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Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:14


One Last Thought, The Daydream club

Il y a de la douleur dans les affirmations de Celestyn.
Pas un de ces maux insupportables qui vous donne envie de mourir mais une souffrance plus subtile, en filigrane, comme l’Acceptation d’un deuil, la fin de l’espoir qui laisse place à la résignation et qui flétrit l’esprit, à peine, lui donne une beauté gracieuse, empreinte de force et de fragilité .

C’est une part qu’Antoine aime chez le prêtre, comme si Dieu son artisan avait peint les fêlures de son âme en or .

Sans condescendance ni mot, l’Illusionniste appose sa main sur celle du Père, caresse, à peine, paume et phalanges, étire ses lèvres d’un sourire de compréhension . Il ne dit rien de plus, pense que cela ne serait alors pas adéquate et laisse la joie et la curiosité réanimer la prunelle de l’ami, dessine une esquisse plus solaire sur les coins de sa bouche en réponse.

“ L’envie ne me vient plus avec lui . La transformation a déjà été faite. Un papillon ne redevient pas chenille.”

Sa voix est emplie de douceur, de la même résiliation, pourtant bien différente, apaisée, qui habite Celestyn.  

“Mais parfois je vois du monde .”

Sa main quitte celle du Père lentement après une dernière caresse, reprend la tasse sur la desserte. Antoine y mouille les lèvres.

“C’est rare mais ça arrive quand je ressens un écho chez quelqu’un d’autre . On flirt, on s’embrasse, on s’aime mais ça ne dure rarement plus de quelques mois .  Je dois être trop dans mon monde pour qu’autrui puisse vraiment y pénétrer . Les personnes que j’ai aimé finissent toujours pas se sentir délaissées et abandonnées. Je peux comprendre, néanmoins me changer serait comme essayer de me travestir et je crois que le naturel revient toujours au galop. Tant pis pour moi, je resterais surement un jamais un vieux garçon qui parle à ses animaux.”

Un éclat de rire éclot dans sa gorge léger .  

“Ça ne me dérange pas. L’Amour est partout, je n’ai pas besoin d’une relation exclusive sur laquelle tout cristalliser."

Il y a Sarah et Bernard, Pompom, la famille et les amis pour qu’il ne se sente jamais seul, en mal de l’autre.

“Et toi Celestyn ? Tu vois du monde ? Monsieur le Prêtre boulimique d’Amour reste-il à l’Agapé?”

Tout sur le visage d’Antoine se fait plus mutin, familier, pitre .

“Vous pouvez parler librement mon Fils, je serais votre confesseur muet comme une tombe rien que pour aujourd’hui.

Il sourit, espère pour le Père mille amours, passions et tendresses loin des alarmes castratrices de la religion.

“Mon coeur de commère veut connaitre chacune de vos saintes folies... “

Un rire. Pour recouvrir le temps d'une histoire la gêne et les peines.
Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:14
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
La main d’Antoine sur la sienne est comme un baume sur sa douleur; si celle de son corps est trop profonde pour être endiguée par qui que ce soit, elle est bienvenue sur celle de son cœur, comme une façon silencieuse de sympathiser avec son trouble sans risquer la maladresse que les mots apportent si souvent.

Comment fait-il pour comprendre si bien ce dont il a besoin ?

Dans la même lancée, Celestyn n’a pas besoin d’en dire plus pour que le magicien ne prenne la perche qu’il lui tend pour le tirer loin des sujets moroses, et même s’il enlève sa main, sa présence elle ne cesse de le réconforter.

Il limite alors, prenant une gorgée de café tiède; un signe de bonne compagnie, n’est-ce pas ?

“On dit bien que l’on finit par détester ce qui nous attire en premier chez quelqu’un.” Il dit ça, mais l’idée que l’on jette son ami lui fait froncer les sourcils, et ce même si l’intéressé semble bien au-dessus de cette idée regrettable. Encore heureux ! Qu’il serait triste de le voir revêtir un masque, se faire plus potable pour satisfaire la normalité maussade de ce monde; Antoine était bien ainsi, tout fait d’excentricité surprenante, malgré ses défauts.

Peut-être est-il trop occupé à fulminer sur cette idée, car lorsque la question lui est retournée, il se retrouve pris de court, sans mot, comme si la possibilité d’être interrogé ne lui était jamais venue à l’esprit.

Il pouvait au moins blâmer ça sur son état de santé.

S’il reste coi, son vis-à-vis ne laisse en rien le silence s'installer, et très vite un fou rire se faufile et éclate bien malgré son mal de tête lancinant.

Ça fait mal, et pourtant ça lui fait le plus grand bien. “Oh je vois comment c’est !” Il lui faut un instant pour se reprendre, massant ses tempes douloureuses. “Vous êtes sournois, mon Père; encore plus que moi.”

Il a beau lui faire des reproches, après avoir posé sa tasse sur la petite table à roulette, Celestyn prend le temps de se recoucher confortablement -et précautionneusement-, plus à la manière d’un rendez-vous chez le psychanalyste qu’une visite au confessionnal, malgré les mains jointes en prière. “Je l’avoue devant Dieu: je ne peux résister à l’appel de Sodome.”

Même s’il en fait des caisses, au fin fond, c’est une vraie confession qui, sans l’apparat de l’humour et les encouragements de son ami, n’aurait jamais franchi le pas de ses lèvres. “A chaque fois, je me promets de désinstaller toutes ces apps diaboliques, mais quoi que je fasse mes pas me mènent toujours tôt ou tard dans l’antre de la débauche- je parle du Mensch, bien sûr.” Il ouvre un œil pour regarder Antoine. “Je recommande pas, il est vraiment, vraiment trash.”

Ses propres pitreries le font rire -doucement, cette fois, le précédent éclat pulsant toujours dans son crâne.

C’est étrange de pouvoir plaisanter sur ce sujet; ça lui fait se rendre compte, un peu tristement, qu’il n’avait jamais cessé de porter une part de honte avec lui.
Cette réalisation remet un peu de calme dans la petite chambre, le plongeant dans un état un peu plus posé. “Ce n’est pas que je me moque de l’Eglise ou de mes voeux, bien au contraire… Je crois qu’au fond, c’est un peu une crise d’adolescence latente.” Pas qu’il ait lésiné sur la sienne durant la puberté: ses stupides tatouages seront d'éternels témoins de ces années rebelles à faire des concours d’engueulades avec son père. “Tu sais, ma toute première fois, c’était pendant mon séminaire, et ça m’a bouffé des années durant. Avant, je pouvais ignorer mes sentiments, me dire que c’était juste une amitié intense, que je ne savais juste pas aimer mes amis avec la même modération que les autres. Mais y goûter… Ça a mis l’évidence devant moi.”

Il ferme les yeux; non pas par fatigue ou par envie de fuir le regard de son ami, mais pour se replonger dans ce souvenir. Il pourrait presque sentir le goût doux-amer de cette réalisation, le nœud dans son estomac mélangé au soulagement de s’être débarrassé de sa virginité et de se comprendre un peu mieux, aussi terrifiante cette découverte avait-elle été. “J’en faisais des cauchemars; j’avais tellement peur de me tromper de chemin que je n’arrivais plus à dire si j’étais en train de gâcher ma vie ou si c’était juste un test de foi. Tellement que j’ai fini par tout déballer à l’Evêque- et tu sais ce qu’il m’a dit ?” Le simple fait d’y penser lui fait monter un rictus moqueur. ‘Tant que ça ne se sait pas, essayez de faire mieux.’

Mot pour mot,
ton pour ton.

S’il avait besoin d’une preuve qu’il n’avait pas encore digéré ça, elle était là. “Alors j’ai décidé que je n’avais pas à choisir entre les deux: je peux très bien aimer Dieu et mon prochain, même de cette manière.”

Décidément, il peine à garder le cap sur une conversation légère, même lorsqu’il s’agit d’aborder un sujet si amusant, alors il conclut de sa plus belle voix de diva, les bras lancés en l’air contre son oreiller. “Ce n’est tout de même pas ma faute si Dieu m’a fait grande folle !” puis un profond soupir pour expirer toutes les peines du monde pesant sur ses épaules.

C’est un regard mesquin qu’il lance au magicien à la fin de son petit numéro. “Si tu souhaites vraiment connaître les détails de mes saintes folies, il faudra me payer un verre -mais je te préviens, ça n’a rien de catholique, ni d’aussi poétique que la façon dont tu parles de tes galanteries.” Oh non, lui, il avait peut-être l’âme d’un philosophe, mais autant de poésie qu’un marin ivre. “Après ça, tu devras définitivement venir te confesser.”


Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:15


One Last Thought, The Daydream club

De toutes les prisons, aucune ne peut s’ériger contre le rire .
Le rire doux, le rire franc, le rire de théâtre, tous ont les clefs pour s’échapper des geôles de fers, de chair et d’esprit. Le rire est le seul grand libérateur, le trousseau qu’Antoine porte toujours au cœur, qu’il offre aux aliénés, à Celestyn qui à son tour, laisse les éclats raisonner, briser quelques maillons des chaînes entravant sa psyché .  

C’est alors un rire feu-follet, vif qui émane du Prêtre, qui cogne ses tempes d’un bonheur douloureux , lui fait perdre un instant de sa superbe, pris d’un bris de rire dans la tête , lui fait masser ses tempes, le sourcil froncé.

Antoine s'inquiète un instant mais la peur est chassée bien vite car l’Ami, pris au jeu, continue sa parodie . Théâtrale, il se rallonge, joint les mains et la confession commence .

C’est au tour de l’Illusionniste alors de s’étonner en silence, de découvrir des facettes du Prêtre qu’il n’auraient jamais deviné et qui répondent à des Envies bien loin des Evangiles .

Les applications de rencontres, les lieux de débauches “bien trashs” dont le nom seul lui fait penser à un porno gay sur fond d’allemand nazi … Il n’aura jamais pensé Celestyn friand de tout cela, l’imagine mal et bien tout à la fois là-dedans et cela l’amuse, attise sa curiosité muette qui s’exprime tout entière dans son regard fasciné pendu aux lèvres du Père .

Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin du discours de l’Ami, qu’Antoine, habituellement si bavard, ose parler .

“Eh bien… Nous en découvrons des choses . Il va me falloir un lavement à l’eau bénite après tout cela …”

Son ton est volontairement léger car si Celestyn est passé par le doute lors de ses révélations, celui-ci a préféré les achever par l’humour.

“Des oreilles, pour le lavement. Peut-être faut-il le préciser après tout ça.”

Sourire complice .

“ Et je te payerais un verre avec plaisir pour avoir plus de potins à répéter à tes grenouilles de bénitiers.”

Bien sûr il ne le fera jamais . Il préfére garder pour lui l’honneur et la confiance offerte que signifie ses révélations et Celestyn le sait bien.
Tout ceci est question de taquiner entre bons - et moins bons- enfants.


Antoine boit une gorgée pour instaurer un instant de silence .
Il songe à tout ce qu’a dit le Prêtre sur lui-même, à son rapport avec sa sexualité, à l’Eglise toute à la fois sévère et permissive qui le dirige. L’Illusionniste en aurait des choses à dire là-dessus, il aimerait partager sa vision avec l’Ami mais cela n’est surement pas le moment maintenant qu’ils sont revenus à la légèreté de l’être. Peut-être plus tard si la situation le permet.
Il se le promet et range la volonté dans un des méandres de son esprit.

“Et d’ailleurs il est tout à fait possible d’être poète et cru. N’as-tu jamais lu Jean Genet ? C’est un maître français en la matière. ”

Il repose la tasse sur la table et tourne son regard vers l’extérieur où, derrière le carreau, le soleil brille doucement .

“Il fait beau dehors, que dis-tu d’aller réchauffer tes vieux os dans le jardin de la paroisse ? Nous pourriez nous installer sur le petit banc et écouter ce poète du cul sur mon téléphone… Un écouteur pour chacun. “

Précisions:
Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:16
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
Même après ses confessions graveleuses, la réponse crue d’Antoine le surprend tant qu’il lui frappe le bras du plat de la main, pareil à une mère réprimandant son fils, comme si lui était irréprochable. “Mais oui, bien sûr.” Il ne peut se retenir de lui rendre son sourire complice, peu convaincant dans le rôle du curé offusqué.

Les impertinences d’Antoine ont le goût de ses pires cauchemars; et pourtant, la confiance qui règne entre eux tournent ses angoisses en dérision d’une simplicité telle que Celestyn n’a même pas le temps de considérer la possibilité que ces menaces taquines soient un jour mise à exécution. “Bon Dieu si tu savais, j’en ai entendu des choses dans mon petit confessionnal…" Bien sûr, pas un mot là-dessus; même pour rire, il ne trahirait jamais la confidence sacrée de ce lieu, il ne se contenterait que d’allusions. “Je pense qu’il y a certaines qui m’en taperait cinq.” Nombreux étaient ceux qui ne réalisaient pas que les festivités n’avaient pas de date de péremption, et si nombreuses de ses ouailles vivaient des mariages stériles, certaines ne manquaient pas de mordant.

Peut-être aussi qu’il n’était pas aussi sévère que l’Eglise le désirerait envers ces brebis ‘égarées’ -après tout, si cela ne faisait de mal aux autres, il ne voyait pas l’intérêt de châtier une bête pour être aller brouter au-delà des barrières.

Lorsqu’il brise le silence, Celestyn suit le regard du magicien. “Mes vieux os…” Ça vaut une nouvelle tape peut-être pas entièrement faussement vexée. “Je suis encore dans la fleur de l’âge, monsieur.” Le temps est doux, c’est vrai, alors il pèse le pour et le contre de sortir dehors: il n’est pas rasé et ses cheveux commencent à virer un peu loin de l’acceptable en matière de propreté, mais il a passé toute sa journée entre ces quatre murs…
Son ami n’a pas tort, ça lui ferait du bien. Et puis, si ni la fatigue, ni la douleur ne l’a pas quitté, l’agacement, contrairement à ce que son tempérament soupe-au-lait suggère, s’est gentiment volatilisé. “Enfin, je peux bien passer l’éponge si c’est pour écouter des obscénités."

S’il abhorre avoir l’impression d’être un vieil homme assisté, il ne peut nier qu’il est pratique dans son état de pouvoir demander à Antoine d’aller lui chercher quelque chose de plus décent à porter, ses médicaments ou sa brosse à cheveux; on reconnaît dans ses gestes le médecin derrière le magicien, et si ça pourrait l’horripiler, c’est avant tout en ami qu’il l’aide, alors il peut se forcer à rincer l’arrière-goût d’impuissance avec ses antalgiques et lui laisser pousser sa chaise.

La brise printanière est aussi douce que le soleil dont ils peuvent profiter de la tiédeur à la mi-ombre. Ajouter à cela la voix grave et monotone dans l’oreillette, il ne manquerait que de poser sa tête sur l’épaule de son ami pour qu’il s'assoupisse, et s’il ferme les yeux, il ne faut que quelques versets avant qu’il ne soit tiré de la somnolence, soufflant du nez à la première mention de la sainte verge comme un adolescent en cour d’éducation sexuelle.

Il faut l’admettre, en ce début de poème, il avait oublié qu’Antoine avait gracié ce fameux genet du titre ‘poète du cul’; et cela va en crescendo. Ça sonne aussi absurde que beau à ses oreilles, des mots si crus au milieu de métaphores presque émouvantes dans ce qu’elles évoquent. C’est très Mensch -si le Mensch organisait des soirées poésies.
Ça lui donne des élans de vandalisme, l’envie d’inscrire quelques-uns de ces vers sur la porte des toilettes du bar, un peu de poésie en harmonie avec l’ambiance poisseuse et lubrique de ce lieu.

En vérité, s’il ne peut s’empêcher un sourire mutin ou un pouffement dans les passages les plus irrévérencieux ou de s’étonner que le poème s’étend encore, encore et encore, renchérissant à chaque vers qui semble sommer sa fin sans jamais s’arrêter, cette description brute douce-amère résonne de façon étrange avec lui; plus la réalité profonde de ses relations que ce à quoi il rêve niaisement en lisant des romans à l’eau de rose, quand bien même l’amour évoqué semble infiniment plus profond dans toute sa rustauderie que ses entrevues sans lendemain. Il existe au creux de ces deux expériences une perle de vérité, un diagramme de Venn où il retrouve les non-dit de sa vie à l’endroit où elles se superposent.

Lorsque le poème s’achève enfin sur cette note surprenamment sobre et que les bruissements de Montmartre reprennent le premier rôle autour de leur petit banc, il savoure sans un mot le moment passé.

“… J’ai vraiment envie d’une clope, maintenant.” Comme après le sexe; un petit plaisir complémentaire après un autre pour sceller l’affaire, la conclusion logique de tout bon moment. Ou alors c’est juste d’avoir entendu le mot tabac encore et encore, ce petit euphémisme qui fait prendre des airs élégants à cette mauvaise habitude qu’il a plus par envie de voler chez les autres plus que par compulsion.


Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:17


One Last Thought, The Daydream club

Tout est léger dans ce moment . Les taquineries, les petits coups donnés en remontrance, la répartie bien présente qui ne s’habille d’aucune vilenie.  
Tout est bon enfant, jeux de garnements, de gosses trop vieux qui  n’ont jamais perdu l’éclat de la jeunesse, qui ne se sont jamais résignés à totalement grandir.

Tout est naturel, sans pudeur ni gêne et ce même quand Celestyn se met presque à nu, qu’Antoine glisse la chemise de nuit par-dessus les bras de l’ami, que la cartographie de la peau se dévoile, laissant apparaître un bourrelet clair d’angelot.
Personne ne s’émeut devant ce corps que le monde veut imparfait et la toilette continue, la main de l'illusionniste frôle les cuisses et les hanches du Père lorsqu’il lui enfile son pantalon, ses doigts passent dans les boucles rousses pour le coiffer, sa paume se pose sur la courbe de ses reins pour le soutenir et le porter au fauteuil.
Les gestes sont précis, assurés, sans pitié déplacée ou invalidante, sensuels, intimes mais pas érotiques, nappés du clair de la lumière filtrant de la fenêtre et de l’obscur de la pièce .

Il y a aussi des regards tendres dans le peu de mots, une attention muette dans le moindre mouvement qu’Antoine finit par couronner d’un sobre “voila”.

Ils sont prêts et tous deux quittent le presbytère pour le jardin de la paroisse où ils s’assoient, partagent le temps de vingt minutes un air commun que seuls eux entendent.

Le Condamné à mort de Jean Genet.
Du foutre et des fleurs, des queues et des coeurs.
De la poésie pure, une voix de deuil, de la dentelle de mots sur d’autres plus gros, crus et vulgaires qui l’avaient tout de suite harponné, insufflant en lui l’envie folle d’aimer comme avant, goulument, d’une romance carnassière et immorale .

Une merveille qu’Antoine avait découvert il y a des années grâce à Lucien qui lui avait offert le CD, qui avait réveillé en lui d’anciennes passions le temps d’une chanson et dont ne restait aujourd’hui qu’une berceuse calme, celle de sa voix qui, spontanément, fredonne l’air qu’il connaît par coeur et avec lequel il s'apaise et souvent s’endort la nuit, qu’il offre à l’écoute de Celestyn maintenant, curieux de son retour.

Faussement distrait, l’air ailleurs, l'Illusionniste observe alors les réactions du Père, sourit en coin, à peine quand celui-ci pouffe, ferme ses paupières aux strophes qu’il sait plus calmes, les réouvre, calmement quand la piste s’achève, revenant au réel, aux mots qui fleurissent sur la bouche de l’ami.

“… J’ai vraiment envie d’une clope, maintenant.”

Antoine aussi et il sort son paquet et son briquet de sa poche, tend une cigarette à Celestyn qui l’ourle à ses lèvres, laisse le magicien allumer le briquet, inspire quand la flamme caresse l’embout de la clope.

Un silence et l’Illusionniste fait de même pour lui-même, pousse un soupir sous sa première expiration .

“Je me demandais… Et si le Seigneur avait voulu que ses messagers soient gays ? Et si c’était les hommes, aveugles et intolérants qui à l’origine avaient condamné l’homosexualité par peur, se servant de Dieu pour légitimer leurs propos.”

Il inspire, cherche ses mots dans la nicotine.

“Je ne peux pas croire que Dieu, qui est censé être tout-puissant, ait pu accepter qu’autant de prêtres soient gays. Ça doit être volontaire non ?  
Car il sait qu’ils feront des Pères formidables pour ses fidèles ou je ne sais quoi…  Comme ces couples homosexuels de pingouins qui par amour et besoin inassouvi de parentalité adoptent les œufs d’autres nichés et s'en occupe.”


Il expire, fixe la fumée qui s'étend en volutes devant ses yeux puis finit par rigoler de dérision envers lui-même.

“Je ne suis pas très clair désolé.”

Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:18
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
Son ami ne tarde pas à répondre à son appel. Si cela fait depuis peu de temps que leur amitié s’est cristallisée, en cet instant, elle lui semble millénaire, comme s’ils avaient passé maintes vies à se côtoyer avant celle-ci…
Celestyn retient une remarque sur le rôle du bon médecin derrière un petit sourire narquois; le magicien a abandonné cette voie depuis belle lurette, et pour être honnête, cela lui plaît qu’il ne le moralise pas sur sa santé.

Aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’a jamais allumé sa propre cigarette: sa place est là, au bout du briquet d’un autre homme, ou encore contre l'extrémité incandescente de son vis-à-vis. Il aime relever les yeux à cet instant, regarder l’autre à travers ses cils, détailler l’expression tantôt concentrée, tantôt intéressée, non sans faire miroir à d’autres instants moins sages encore. Il lui est difficile pourtant de pervertir la douceur antique d’Antoine qui lui sied tant; même d’en bas, il ne le regarde jamais de haut.

La flamme chasse les ombres de son visage lorsqu’il allume la sienne, un instant à peine, scintillant dans ses yeux clairs comme deux étoiles venant mourir au fond de ses pupilles.

Celestyn s’avachit confortablement contre le dossier de sa chaise et crache la première volute de fumée en l’air, l’observant faire des arabesques contre le feuillage sombre au-dessus d’eux qui se délitent lorsque le souffle de son rire s’en mêle. “Tu essaies de me consoler ?” Il aime cet élan de philosophie abrupte, effet secondaire de la poésie, même si son ami ne trouve pas la même élégance dans ses figures de style. “Peut-être bien après tout, ce ne serait pas le premier quid pro quo sorti de la Bible. Et puis, l’homoparentalité, c’est très en vogue.”

Ce n’est pas très gentil de ne pas prendre le sujet au sérieux, mais c’est plus fort que lui; l’image des pingouins était si candide, si absurde accolée au clergé austère. Tout vêtu de noir et bedonnant, de gros pingouins gays couvant les oeufs abandonnés de Dieu… “Malheureusement, je pense que la raison est plus sociétal.” médite-t-il en contemplant sa main; la façon qui lui vient naturellement de tenir la cigarette entre ses doigts, copiée consciemment ou non des vedettes glamours en noir et blanc dans les films que ses parents regardaient et des vieilles pubs de Marlboro où le blanc du papier roulé contraste magnifiquement avec le rouge à lèvre de ces stars du passé au sourire éclatant. Enfant, il les avait toujours trouvées resplendissantes, emplies d’une présence magnétique saisissante transcendant les époques, nullement entachée des pulsions oedipiennes décrites par Freud.

La seule fois où son père l’avait surpris en train de fumer en cachette, c’était ça qui l’avait dérangé, pas le tabac.

“Les hommes qui veulent fuir la pression du mariage se tournent vers le séminaire, et s’ils ne l’ont pas encore conscientisé, c’est un autre là qui leur montrera la raison profonde de leur choix, et le cycle continue.” Si les sujets abordés sont lourds, l’atmosphère ne s’assombrit pas pour autant: il est difficile de rester morne sous un ciel bleu. “Si l’on joint nos hypothèses, ça voudrait dire que tout ça -l’homophobie, le machisme, l’hétérosexualité forcée, la propagande de la famille nucléaire américaine- ce serait l’oeuvre de Dieu pour pousser hors de la société et dans son nid les pères idéaux pour ses fidèles ?” L’idée, aussi sinistre soit-elle, le fait sourire doucement, jeter un regard à l’instigateur de ces théories farfelues. “J’imagine que ce n’est pas tellement plus cruel que le déluge.”

Il tire longuement sur sa cigarette, puis lance sans sourciller, ses mots cinglants enveloppés par la fumée blanche en quittant ses lèvres avec elle “Ou alors, c’est simplement qu’Il n’existe pas.”

Un mauvais médecin et un mauvais curé assis côte-à-côte sur un banc au beau milieu de Montmartre.

"Personnellement, je pense surtout que c’est juste inéluctable lorsque l’on fourre autant d’hommes les uns avec les autres pendant des semaines sans femmes.” Son rire contraste avec la précédente hypothèse, mais il est bien sincère. “C’est comme l’armée, les scouts, les prisons et les monastères -à trop séparer les sexes, ça force à être créatif, ce qui en retour invite des réalisations. C’est juste que personne ne veux admettre que ce sont des fabriques à pédale.” Sa tête renversée en arrière, peut-être est-ce bien à Dieu qu’il retourne le sujet. Comme pour tous les maux de ce monde, il y a de quoi se demander pourquoi il n'intervient pas pour mettre les choses au clair, au lieu de les laisser se poser des questions.

Enfin, ça gâcherait le plaisir de connaître la réponse. “Si j’étais omnipotent, ça m’amuserait beaucoup de nous regarder galérer.” Peut-être bien que Dieu ne ressent pas le besoin de se mêler aux querelles humaines car Il est incapable de comprendre leur souffrance; un éternel spectateur qui ne comprendra jamais les tourments de ses acteurs.


Antoine Dastre
IRL
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:20


One Last Thought, The Daydream club

Il y a quelque chose de captivant quand Celestyn parle, articule ses idées, dissèque les illusions, balaye la poésie, les poussière d’or de la  foi . Il n’y a plus rien de beau dans ses propos, de supérieur aux hommes, juste de la résignation, fatalisme amer et rationnel . L’homme de Dieu  ne croit plus et Antoine se demande comment il en est arrivé là,  à quel point la foi l’a habité jusqu’à l’écoeurement .
Jusqu’à une part de rejet qu’on accepte, qu’on entretient dans le secret, caché à la vue de tous.
Un amour-haine, passionnel, envers son art .

Antoine en a connu d’autres comme ça . Des peintres, des écrivains, des musiciens . Qui continuent malgré  tout. Car ils ne savent faire que cela, car c’est une part d’eux, qu’ils ne peuvent s’en affranchir .
C’est le problème des vocations . On s’y emprisonne au risque d’en devenir malheureux.

L’illusionniste lui en parlera plus tard. Il le questionnera au moment venu car là, pour l’instant, ils parlent de Dieu et l’échange est trop passionnant pour être interrompu.

”Personnellement, tu sais que je ne crois pas en Dieu mais s’il existe, je ne pense pas que ça soit un Dieu d’amour ou un Dieu parfait… Dis-moi si je me trompe mais il a fait l’homme à son image . Un homme au début innocent mais curieux et c’est cette curiosité qui l’a perdu . Adam et Eve croquèrent le fruit interdit de la connaissance  et Dieu, fâché qu’on lui ait désobéi, les chassa alors du paradis et leur imposa une vie de difficulté . L’homme s’éveilla comme il était alors réellement à l’intérieur, soit cruel, orgueilleux, violent.

Dieu doit l’être aussi. Comme il est amour, beauté, pardon . A l’image de l’homme, je l’imagine très ambivalent, en père aimant, autoritaire et terrible.


Comme son père qui les aimait tant mais que la violence des hommes et de la guerre avait imprégné, transformé . Comme ce père si fier et faible, qui soignait et frappait, riait, criait, pleurait .

Comme cet Homme, ce modèle défaillant qu’Antoine n’avait jamais pu cesser d’aimer, qu’il avait si longuement admiré, aveuglé par la force de son autorité .


Il souffle la fumée de nicotine qui emplit ses poumons, balance un instant la tête vers l’arriére à l’instar de l’Ami.

“De cette hypothèse, cela ne m’étonnerait pas que Dieu ait voulu que ces représentants soient gays sachant que rejetés par la société, ils  se réfugieraient dans les ordres. Si Dieu existe, je pense même qu’il observe les hommes comme son miroir, qu’il catharsise sa violence en s’imprégnant de celles des hommes, qu’il les oblige à le respecter pour éviter de se mettre en colère, appelle à l’amour pour y croire lui-même . “

Dieu est un parent comme les autres, hypocrite et paradoxal, exigeant de la part de la chair de sa chair d’être exemplaire, de s’appliquer à la perfection pour ne pas avoir à s’y contraindre soi-même.
Réussir là ou l’autre à échouer, tel est le fardeau que porte chaque descendance.

Antoine soupire face à la fatalité, ressort de ses pensées, l'allège d’une esquisse mutine, le bleu de ses iris dans ceux de Celestyn .

”Avant que Monsieur le théologien ne corrige le simple impie que je suis et qui n’y comprend rien, sache que je suis sur d’une chose au moins…”

Il laisse un instant de silence, attise le suspence.

”L’église a fait un travail parfait avec toi et je suis fier de te dire que tu es la plus magnifique des pédales. “

Un homme formidable, un ami fantastique.
Unique .

L’Illusionniste pouffe légèrement, la tendresse dévoilée dans les ridules de ses yeux; la douceur amère de la compassion au coin de sa bouche l’instant suivant .

- Celestyn, es-tu heureux dans ta vocation ?

Celestyn Rossillon
IRL
INRP
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:20
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
On ne refait pas un philosophe, obligé d’explorer la psyché et les rêves; car il n’y a bien qu’un pas entre la philosophie et la théologie, séparée uniquement par Dieu le Père. Tout le reste n’est qu’observation et spéculation, tentative émouvante si parfois futile de comprendre, tout simplement. Mais en disséquant la poésie, elle doit mourir au passage; c’est bien pour cela que de eux deux, Antoine est le seul artiste assis sur ce banc.

Même l’intérêt pour la musique de Celestyn, bien qu’il soit mué par mélomanie, a eu la fâcheuse tendance à vouloir tout démonter pour comprendre ce qui émeut dans ces arrangements semblant aux premiers abords si abstraits; des cadences imitant inconsciemment le rythme du coeur, des sons feutrés réminiscents des premiers instants de la vie, des notes dissidentes venant troubler l’affinité inné du cerveau à mettre les choses en ordre… Mais même avec toutes ces connaissances appuyées d’années de solfèges rigoureux, il n’a juste pas la fibre, la sensibilité artistique dionysienne permettant de créer à partir de rien. Il avait dû trouver son amour dans le fait de simplement jouer les créations des autres, pour les autres, une motivation différente et pourtant suffisante à ses yeux.

Que son compagnon se mette sur ses plates bandes pour considérer cet angle moins lyrique compte beaucoup pour lui. Oh il ne se lasse pas de sa poésie, de cette sensibilité qui lui fait défaut, mais il y a quelque chose de rassurant à ne pas être abandonné lorsqu’il ne peut le suivre.
De plus, Antoine a des choses intéressantes à dire sur le sujet; des opinions colorées, il semblerait, par des milliers de souvenirs: l’expérience de la vie dans son plus simple apparat. Certains résonnent en choeur avec la sienne, sans une grande surprise: peu d’hommes homosexuels n’entretiennent pas des rapports compliqués avec leur paternel, encore moins ceux de leurs générations, et ce même si cela n’a pas forcément rapport avec leur préférence amoureuse, comme un conflit inné avec le patriarche, lui aussi longuement disséqué par les psychologues, avec plus ou moins de résultat.

Devant le portrait hypothétique du Seigneur qu’Antoine dépeint, il ne peut s’empêcher de songer à son propre père et le gouffre semblant avoir existé dès leurs premiers instants ensemble, devenu infranchissable au fil des années. Deux êtres si diamétralement opposés que le dialogue est impossible, tentant au nom de la famille de se comprendre sans jamais aucun résultat probant; les lancées dans ses jambes bien présentes sous le voile du tramadol et ses vertiges témoignant de l’ampleur des dégâts de cette insistance déraisonnée. N’avait-il pas lui-même songé cette nuit, tordus de douleur, à couper enfin les ponts pour son propre bien ?
Et pourtant, les mots de son ami le font douter.

Autoritaire et terrible, il n’avait jamais eu de la peine à le voir, mais il était à présent difficile de ne pas chercher où se cachait le père aimant.

Pouvait-on même considérer son intolérance vis-à-vis de ses manières comme un geste d’amour, mué par la peur que son enfant soit maltraité comme l’a si souvent promis le monde ? Ou, plus simplement, l’angoisse à l’idée de voir son fils finir dans l’enfer promis par bien des interprétations ?
Ou ne s’agissait-il que d'ego et de contrôle, d'un droit irrévocable sur sa personne pour l'avoir gracié d'un toit et d'une famille ?

C’est avec un train de retard que Celestyn réalise à quel point il s’est enlisé dans ses pensées, rappelé à la réalité par le sourire d’Antoine qu’il regarde comme un professeur l’ayant surpris à dormir durant son cours, à présent pendu à ses lèvres le temps de ce silence agonisant, la cendre de sa cigarette menaçant de tomber au moindre sursaut.

Et elle n’y manque pas, se détachant du bout pour aller s’écraser contre le sol lorsqu’il rejette la tête en arrière dans un nouvel éclat de rire, trop violemment pour ne pas être rappelé à l’ordre par un accès de migraine qui n’arrive pourtant pas à avoir raison de son sourire. Il porte sa main libre à ses tempes pour les masser, mais surtout pour cacher ses joues rougies par la flatterie. Si les mots lui manquent, réduit à des bribes bafouillées entre deux pouffements, son cou de coude répond pour lui, trop fort pour ne pas trahir l’effet des mots de l'illusionniste sur lui.

Le retour à un sujet bien plus sérieux est étrangement bien venu, bien que la douche froide ne suffit pas à rincer la rougeur de son visage ni à calmer son cœur palpitant. Il lui faut souffler un instant et s’accouder précautionneusement sur ses genoux pour se remettre dans la réflexion, taire celle qui veut plutôt analyser les papillonnements au creux de son ventre. “Mhhh…” Bien qu’il est dur de se concentrer dans ces conditions, cet accès de chaleur le met plus en position de se rappeler exactement ce qui l'a poussé à la vocation, loin de l’amertume et de la froideur de la philosophie. “Je pense qu’elle me rend heureux.” reformule-t-il après un temps. “Quand j’étais enfant, la religion ressemblait à une prison immuable. Des fois c’est encore le cas.” Tout bon croyant à des moments de doute, c’est tout naturel. Il est facile, comme en prenant le sujet de leur discussion précédente, de perdre la foi face à l’adversité, extérieure comme intérieure. “Mais quand j’ai enfin compris le pouvoir qu’elle pouvait avoir entre de bonnes mains, ça a changé ma vie.”

La cigarette continue de se consumer entre ses doigts, intouchée, alors qu’il se retourne vers Antoine, les restes de son compliment farfelus rehaussé par un sourire. “Être l’auteur de ce changement chez les autres me rend heureux.” C’était aussi simple que cela. Aussi emplie de haine et de corruption l’Eglise est-elle, il veut être de ceux qui passent le message fondamental de Dieu: aimer et aider son prochain, être un phare au milieu des ténèbres pour assurer à autrui qu’ils ne seront jamais seuls.

Cependant, il ne peut nier qu’un pincement au cœur subsiste, cette insatisfaction qui l'assaille de plus belle lorsque les épreuves se succèdent et semblent insurmontables. “Mais il est vrai que je songe parfois à trouver une autre voie pour le faire…” Ce n’est pas une vie de balayer ce sentiment d’étouffement persistant à chaque fois que les nuages se dissipent, ballotté entre la peur de prendre une décision irrévocable et de tout perdre et celle de se borner jusqu’à n’avoir plus que des regrets, le tout enrobé par les réalités financières de la vie: à bientôt quarante ans, ce n’était pas raisonnable de se lancer à nouveau sur le marché du travail.

Surtout qu’il ne finirait pas bien vieux.

Cette ritournelle, il l’a faite tourner bien trop souvent dans sa tête, pour revenir toujours à la conclusion qu’il n’était pas assez malheureux dans sa situation pour prendre de tels risques. “Que dire, c’est probablement la crise de la quarantaine qui arrive.” Une résignation dissonante siège derrière son sourire alors qu’il porte le fond du mégot à ses lèvres pour une dernière bouffée, poétique écho de ce qui semble être sa vie. “Je suis entouré d’amis et d’amour, c’est bien plus que je n’ai jamais souhaité.”

L’homme est un animal capricieux insatiable: il faut savoir quand se contenter de ce que l’on a au lieu de se morfondre sur ce qui nous manque.

Ses yeux restent rivés devant lui, à moitié perdus dans cette mélancolique raison, à moitié fuyant le contact visuel pour ne pas risquer de relancer son pauvre cœur. Les deux sujets ne sont qu'un reflet de l’autre; au frémissement s’ajoute un serrement, une tristesse résolue à la signification de cette réaction physique manifeste. Comme à chaque fois, il la ravalera, se satisfaisant de la joie de l’avoir ressenti sans en demander son reste, prisonnier du deuil austère dont parlait Tennyson. “S’ils retrouvent mon lit vide, on va me passer un savon.” Son espièglerie point à travers la brume, comme s’il était un ado ayant fait le mur pour aller fumer en cachette derrière l’église. Cela revenait au même, il ne voulait pas inutilement inquiéter ses collègues au presbytère après les évènements de cette nuit.

“Merci pour aujourd’hui, Antoine. Ça m’a fait le plus grand bien.” Si habitué au doux-amer, avec le temps, il a appris à apprécier l’amertume. “Tu me raccompagnes ?”



Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:21


Il y a tant de vie et d’esprit chez Celestyn malgré son corps qui chavire.
Tout chez lui est animé, éloquent en si peu de mots, livre ouvert sur la nature de son âme .

Antoine aime être spectateur de ce jeu de mouvements inconscients, sourit, plein de tendresse,  à cette authenticité que le Père ne peut ni cacher ni feindre .
C’est, chez l’ami, la plus belle des qualités, celle, à égalité, qui sort de ses lèvres, cet art des mots, beaux, crus, vulgaires, toujours appropriés au sens qu’il veut y insuffler.  

L'illusionniste a cet amour de l’entendre parler et penser . Il pourrait l’écouter des heures, accepter par sa bouche les sermons et les dogmes de Dieu, les mièvres bienséances et les indécentes confidences.
Rien n’est de trop si cela vient de l’Ami.

Peut-être est-ce pour cela qu’Antoine se soucie tant de son bonheur, des profondeurs de son cœur, qu’il a besoin de savoir même s’il ne répond rien quand Celestyn arrête de parler de l’intime.  

L'Illusionniste hoche légèrement la tête d’approbation, observe le ciel dégagé, perd son regard dans l’azur pour se laisser le temps, un instant, de se perdre dans ses pensées.

Celestyn est heureux. Là est le principal. Peu importe les chemins et les obstacles, les bifurcations.

Antoine sait que l’Ami, même s’il doit s’égarer, retrouvera toujours sa voie. C’est inscrit en lui, cette force d’accepter et d’évoluer.

Quel droit a il alors de conseiller le Père d’un avis inadapté, de sa part à lui qui, pour ne pas vivre en ce monde, s’est enfermé dans le long rêve d’une bohême disparue, fantaisie d’un cerveau mélancolique .

Que peut-il dire hormis la plus évidente des vérités, celle que l’ami accepte avec tant, ce qui semble être, de difficulté.

“Tu mérites ces amours qui t’entourent Celestyn . Tu as le droit de souhaiter le meilleur pour toi comme tu le souhaites pour autrui.”

Ne pas penser à soi est aussi une forme d'égoïsme. On s’oublie pour ne pas se confronter à ce qu'on trouve en soi-même.

Antoine sait tout cela trop bien, ne jugera pas l’Ami là dessus ni ne s'y attardera et rit le moment suivant au trait d’esprit du Prêtre, à l’image des Pères paniqués, cherchant leur ouaille malade dans tout le presbytère.

Cela serait drôle.
Un cache-cache entre adultes et gamins.

Son sourire est grand et il sort son cendrier de sa poche, y écrase sa cigarette, tend l’objet à Celestyn, pose sa main sur son épaule, effleure une mèche rousse en bataille.

” Je t’accompagne . Rentrons.”

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Fin d' Au debut était le verbe.

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