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Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:06


One Last Thought, The Daydream club

Dimanche 7 mars 2021 - Aux alentours de 8h00

C’est l’heure .
Entre les hôtels particuliers de Montmartre, le ciel s’avive, quitte doucement la première teinte de l’aube, celle d’un bleu si délavé qu’il en semble gris. Les couleurs de la journée s’esquissent vers l’est, baignent les façades de lumière orangés alors que le soleil est encore bas, indolent, bercé des rêves de la nuit .
Vivre les petits-matins ici à Montmartre est un spectacle privilégié, une beauté simple qui chaque matin inspire Antoine, le tire du lit, le fait s’habiller rapidement pour sortir marcher, écouter le silence, respirer l’air nouveau où mille souffles ne se mêlent pas encore.

Emmitouflé dans ses vêtements d’hiver, il fait face au vent encore trop frais de ce début mars, déambule, rêveur, trace un parcours qu’il connaît par cœur de la Villa Léandre à la Maison Rose . Il s’émerveille devant les feuilles et le printemps qui reviennent, salue les quelques coureurs matinaux, sourit aux figures connues qui, chaque jour à la même heure, promènent leur chien. Il est attentif à la sensation inconfortable et charmante du pavé sous ses pieds, aux odeurs de nourritures des premiers restaurants, à l’esthétique de carte postale de la place du Tertre vide de monde.

Il respire à pleins poumons, allèle un peu, le “trop-chaud” au corps sous le manteau de laine, ouvre grand ses yeux d’enfant devant la grandeur et la clarté du Sacré-cœur, tourne son regard en direction du panorama du“Tout-Paris” en nuance de gris, s'assoit quelques instants sur les multiples marches du square Louise Michel.

Il reprend son souffle face au vertige de la ville, attend 8h25, se redresse et reprend les chemins empruntés, s'arrête bien vite au 2 rue Mont-Cenis, passe le portail en fer noir, observe les portes de métal sculptée de l’église, les mots bleus et rouges sur le bâtiment annexe de gauche.  

“ Tempérance”, “Espérance”, “Force”, “Charité”, “Justice”

Voici les valeurs de la Foi, celles qui doivent diriger la vie de Celestyn, lui permettre et l’obliger tout à la fois chaque matin à se lever, croire, écouter, guider, sourire et aimer malgré les affres de la vie et de la maladie .

Tous ces mots qui se lisent dans les paroles et les regards du Père, dans la sagesse qui l’habite et qui fait que l’entente entre lui et Antoine avait été immédiate, qu’ils étaient devenus des connaissances en itinérance sur le chemin de l’amitié.

Tous ces idéaux qu’ils partagent tous les deux et qui fait que l’Illusionniste est là aujourd’hui, à attendre que l’église sonne 8h30 pour toquer à la porte du presbytère avant d’entrer sans attendre de réponse.
Tout ceci pour une discussion à cœurs ouverts devant un café ou un thé, entre un croyant et un athée.

Antoine, souffle entre ses mains transies et rougies par le froid, fixe l’heure à son poignet quand la cloche de Saint-Pierre sonne deux fois.
Il est temps de se retrouver et ses phalanges se mettent à cogner contre l'entrée du presbytère quelques instants avant que l'Illusionniste ouvre la porte dans mouvement lent, arrête sa silhouette au seuil de l'habitation.
Il se présente par convenance.

“Mon père, c’est moi, Antoine, je suis arrivé.”

Un sourire s'esquisse sur ses lèvres, peint avec les rayons du soleil.
Celestyn Rossillon
IRL
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:06
With the door closed, shades drawn, the world shrinks

Au moins, il l’avait vu venir, en un sens.

Il y avait une bonne raison pour laquelle Celestyn n’aimait pas particulièrement être au téléphone avec son père. Même après toutes ces années, même en ayant appris à ne pas faire de cas, l’ancêtre finit toujours par dire quelque chose qui lui tourne le sang, une poussée de stress dont son corps se passerait bien.

En vrai, rendu-là, il devrait presque considérer être au téléphone avec son père comme mauvais pour sa santé.

Et ça n’avait pas manqué. Juste après avoir raccroché, il n’avait même pas eu le temps de marcher jusqu’à la cuisine de presbytère pour prendre un verre d’eau qu’il avait déjà des fourmis dans les mains, rajoutant une couche d’irritation se mêlant à l’angoisse grandissante: il allait bien ces dernières semaines. Un peu de fatigue, d’engourdissement usuel, mais rien d’insurmontable. Il n’avait pas envie d’une crise, pas pour des conneries.

La nuit fut horrible. Plus encore fut de convaincre le père Benoît qu’il n’y avait pas besoin d’alerter l’hôpital. Ils ont assez de travail comme ça, ça passera. Une supplication silencieuse dans son regard fatigué avait peut-être fait pencher la balance en sa faveur, ‘ne m’enlève pas le peu de contrôle que j’ai’. Après un long silence, le père Benoît avait capitulé. “D’accord, mais on se débrouillera pour te remplacer à l’office demain.” C’était le compromis. A croire qu’à force, les autres occupants du presbytère étaient devenua doués pour marchander avec lui. A contrecoeur, il avait accepté, mais pour être franc, après avoir bataillé avec Morphée toute la nuit, Celestyn était soulagé de ne pas avoir à sortir du lit lorsque l’aube arriva.

Il peine à focaliser ses yeux sur son réveil. Un peu plus de huit heures. Le monde commence à se réveiller de l’autre côté de sa fenêtre, et quand bien même il peine à se concentrer, il reste un instant à observer les silhouettes des quelques passants derrière ses rideaux. Il essaie de se souvenir de ce qui a pu se passer plus tôt dans la matinée: il sait qu’il ne dormait que par intermittence, il se souvient avoir été conscient, mais son cerveau n’est qu’une éponge inutile. Un coup d'œil au sac en plastique franprix sur sa table de nuit lui laisse imaginer que quelqu’un est passé dans sa chambre. Il se penche pour l’attraper, et la pièce toute entière bascule.

C’était encore mauvais, très mauvais.

Et pour combien de temps, cette fois ? Un jour ? Une semaine ? Quatre mois ? Il soupire, abandonne pendant quelques minutes. Fixe le plafond. L’absence de douleur vive lui intime qu’il a dû prendre quelque chose un peu plus tôt. A vrai dire, il ne sent pas grand chose, pas sa jambe gauche en tout cas. Nouveau soupire, un coup d’oeil à la fenêtre à nouveau. La lumière orangée filtre à travers le rideau semi-opaque. Il va probablement faire beau, aujourd’hui.

Et lui, il est encore coincé sur la touche.

Ça le ramène à sa première crise, alors qu’il était fraîchement ordonné. Ou plutôt, celle qui l’avait poussé a enfin en parler à un docteur, mis tout le processus de diagnostic en marche. A l’uni, il lui était arrivé de se sentir particulièrement épuisé, à la période des examens entre autre, mais ça ne lui avait pas semblé si anormal. Tout le monde est fatigué, à cette période. Et puis, il n’avait fait un malaise qu’une seule fois; ça arrivait aussi aux personnes en bonne santé, de black out à cause du stress.

Est-ce que ça aurait été différent, s'il avait été cherché de l’aide à ce moment-là ?

Le toquement à la porte l'extirpe avant qu’il ne bascule totalement dans ses pensées noires, mais seulement pour un instant. Celestyn n’a envie de voir personne: Dieu sait -et oh qu’Il le sait- de quoi il doit avoir l’air présentement, pas coiffé ni rasé, les cheveux attachés à la va-vite -preuve qu’il avait définitivement vomi cette nuit-, en chemise de nuit et enterré sous deux duvets et un plaid -définitivement l’oeuvre du père Benoît-. Si le moindre mouvement ne faisait pas chavirer sa chambre, il se serait vite caché sous les draps, mais alas, il n’a pas le choix que de faire face à la réalité.

Entendre la voix d’Antoine dans l’entrée lui arrache un grognement: oh, pas qu’il soit mécontent de le voir. Enfin si. Enfin non, le problème n’était pas lui. Il adore parler avec lui, leurs échanges ne manquent jamais de le faire sourire. Il y avait quelque chose de magique -sans mauvais jeu de mot- avec Antoine, et peut-être est-ce justement ça qui lui donne si peu envie de se montrer ainsi à lui.

Mais il n’est pas non plus du genre à chasser quelqu'un de chez lui.

Il prit une grande inspiration pour se faire entendre de son lit. “Ha, Antoine.” Un autre soupir qu’il tente de garder pour lui-même. “Je suis dans ma chambre, entre seulement.” Il hésite un instant, avant d’ajouter. “A vrai dire, vu que tu passes par la cuisine, est-ce que tu peux couler deux cafés ?” Ça le gêne de demander, mais ils n’auraient pas leur café autrement. Avec un peu de chance, en ayant vu Celestyn le préparer quelque fois, Antoine arriverait à trouver les tasses et le café sans qu’il ait à lui crier les instructions; sa gorge commence déjà à le tirailler.

“Pardon, j’aurais voulu t’accueillir correctement.” Encore un soupir. Il passe sa main dans ses cheveux pour chasser une boucle rebelle qui finit de toute manière par retomber au milieu de son visage. “Mais voilà.” Il n’y a rien à faire. A se demander si c’était utile de se battre. “Comment vas-tu, toi ?” Ok, maintenant il doit vraiment arrêter de brailler, au moins jusqu’à ce qu’il ait de quoi s’hydrater.

Un café ne lui fera pas de mal.

Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:08


One Last Thought, The Daydream club

Si le coeur d’Antoine porte la joie des retrouvailles, l’écho qui lui fait face ne résonne pas à l’identique. Dans la voix de Celestyn, l’enthousiasme n’est pas là. Même étouffée par les murs, il y a dans l’intonation, ce “ah” et ce silence qui le trahissent, ce timbre qui semble déjà éreinté, éteint de si bon matin .

Si le prêtre ne le dit pas, Antoine comprend qu’il n’est ni attendu, ni vraiment le bienvenue . Pas tout de suite néanmoins . Cela lui tire un sourire ambigue, doux-amer, triste et amusé et il hausse légèrement les épaules, ne s’offusque pas des salutations tièdes de l’ami, n’établit pas de jugement hâtif, finit de pénétrer dans la pièce, referme la porte en faisant attention de ne pas la faire claquer derrière lui.

Immobile dans le vestibule, le visage tourné vers la cuisine et la chambre de Celestyn, il laisse l’autre continuer, lui demander un café et des nouvelles, s’excuser pour l’accueil.

Il ne le coupe pas, ne fait aucune remarque sur tous ces mots qui semblent forcés, répond succinctement, la voix haute, claire.

“Je ne t'entends pas bien Celestyn . Je te fais un café et j’arrive pour discuter . Ne bouge surtout pas . ”

L’injonction est rhétorique, un peu idiote si le prêtre est bien mal et alité mais Antoine préfère préciser, materner un peu pour que Celestyn ne force pas .
L’Illusionniste est venu voir ce matin un ami et non un martyr chrétien .
Le prêtre n’a pas besoin de faire “bonne figure” et sous la pensée, Antoine, pour meubler le silence, commence à meumeumer bassement .
La “Bohème” d’Aznavour lui vient comme une évidence, ritournelle qu’il a sans cesse à l’esprit, qui habitent ses pensées à chaque pas dans Montmartre, à chaque fois qu’il se produit sur scène .
A chaque moment où il se laisse le droit de flâner à l’intérieur de lui-même, dans ce monde sépia qui n’existe plus vraiment dehors.

Ainsi ailleurs tout en étant là, l’Illusionniste retire son manteau et ses chaussures, se rend dans la cuisine, passe ses mains sous l’eau savonneuse avant de les sécher puis ses doigts, habiles, bercés par le murmure de sa bouche, ouvrent les placards et les tiroirs au hasard, cherchent tasses et cuillères, filtre, café, morceaux de sucre et pichet de lait. Ils s’égarent sur un paquet de Petit Beurre, hésite un instant avant de s’en emparer .
“Ça ne sera pas de trop” et le butin est réuni sur le plan de travail, le filtre et le café moulu sont placés dans la vieille cafetière qu’il allume. L’eau se met à chauffer sous un ronron posé et bientôt de grosses gouttes brunes viennent tomber et remplir la verseuse .  

Le café est prêt, chaud dans les tasses sous le dernier refrain de la Bohème et Antoine laisse sa voix mourir, quitte la cuisine un plateau rempli entre les mains pour la chambre où Celestyn l’attend.
Sous ses pas, le parquet ancien craque légèrement, annonce son arrivée avant même que les deux hommes puissent se voir, que l'illusionniste puisse sourire à l’ami en présentation.

“Voila. Deux cafés pour se réchauffer . ”

Il pose le plateau d’argent terni sur la petite table de lit à roulette qu’il déplace devant le lit de Celestyn.

“ Je me suis permis de sortir des petits gâteaux aussi . J’ai marché ce matin à jeun et il me faut manger pour recouvrir de l’énergie sinon je vais m’évanouir en repartant. “

C’est un mensonge. Un doux bobard, de convenance, pour encourager l’autre à se restaurer un peu tout en feignant d’ignorer l’air fatigué de l’ami, ses cheveux en bataille, son teint pâle, maladif .

Antoine attrape la chaise vacante dans le coin de la chambre, la déplace jusqu’au lit, et s’assit face à l’ami, lui sert le plus tendre des sourires.

“ Tout va bien de mon côté, il fait beau, le cabaret est calme sans jamais vraiment se vider. Ses habitants sont toujours aussi talentueux et bienveillants. Je n’ai pas à me plaindre. Et toi ? As-tu besoin d’en parler ou préfères-tu te changer les idées ? Nous pouvons simplement discuter ou si tu le souhaites, je peux te faire la lecture d’un quelconque livre ou article... “

Il hésite un instant à émettre sa dernière proposition, attentif à ne pas froisser l’homme, à le ramener à sa condition.

“ Je peux te laisser te reposer aussi . Je ne suis pas un de tes fidèles, tu ne me dois rien et aucune obligation sociale ou de convenance  ne t’assujettit à moi.  ”

Antoine se plaît à y croire. A l’espérer.
Au nom de la liberté, de la Rose et du Réséda .



Notes de visualisation : Petit plan du presbytère
Chambre de Celestyn
Photos d'ambiance.

Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:09
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
L’injonction le fait pouffer de façon plus sarcastique qu’il ne se serait permis habituellement, mais étonnamment l’amuse pour de bon. Promis, a-t-il envie de lancer pour se moquer gentiment d’Antoine et de sa des fois démesurée avenance -comme si il pouvait parler, le curé-, mais sa gorge lui intime de se la fermer.

Même s’il ne se sent pas d’humeur à voir qui que ce soit, la mélodie lointaine fredonnée par son invité prend la place que le silence aurait dû occuper de façon réconfortante. Une présence incorporelle, mélodie vieillotte dont il ne connaît pas les paroles mais dont il a certainement entendu l’air plus d’une fois, qui le ramène a une autre époque, comme si souvent avec Antoine. Et là, alité, mal en point, le tintement familier des ustensiles et le vrombissement de la machine à café dans la cuisine, il pourrait presque croire un instant avoir de nouveau dix ans, confinés à son lit, sa mère s’affairant dans la pièce d’à côté, pendant que la vie continue son cours sans lui.

Dans ce cocon de nostalgie, le sommeil faillit avoir raison de lui. Heureusement, le craquement du parquet le somme de se redresser ; ce qu’il regrette presque instantanément, la pièce piquant du nez à nouveau. Il lutte pour que l’étourdissement reste caché derrière ses yeux fatigués, et tente un faible sourire. “Merci.” Une économie de mot par rapport à son vis-à-vis qui déjà tire sur sa gorge sèche. Celestyn ne s’impatiente pourtant pas, même avec le plateau si près de lui. Premièrement, parce qu’il n’est pas encore dans un état qui le rendrait assez malpoli pour ne pas attendre que son ami ne soit assis, et deuxièmement, car tomber la tête première en se précipitant pour prendre sa tasse était toujours une possibilité à considérer dans son état.

C’était déjà arrivé, plus d’une fois.

C’est donc précautionneusement, une fois Antoine assis face à lui et pendant qu’il lui rapporte les nouvelles, qu’il se penche pour prendre la tasse de café si soigneusement préparée, un froncement de sourcil trahissant sa bataille avec son oreille interne. Il parvient tout de même à ses fins, mais à peine prend-il la première gorgée qu’il s’interrompt.

“Epargne-moi ce babillage.”

Ça sort plus sec qu’il ne veut, ce qui le fait grommeler contre lui-même, mais qui, de l’extérieur, donne probablement l’impression d’être aussi destiné au magicien. Il se passe la main sur le visage, prend un instant pour inspirer. Ça ne mènera à rien d’être agressif avec lui. “Excuse-moi je-” balbutie-t-il. “reste -juste un instant, d’accord ?” Les mots qui lui viennent d’habitude si naturellement lui manque, impuissant face au flot de ses propres émotions. “Je… C’est gentil de t’inquiéter, merci.”

Un soupir tremblotant s’étouffe contre le rebord de la tasse à café. Ça a beau être du café moulu bas-de-gamme, l’arôme familier ravi ses papilles, remet un peu d’ordre dans ses idées. “Pardon, je suis pas la meilleure des compagnies aujourd’hui.” Sans rire, l’autre n’aurait assurément jamais remarqué. Un nouveau petit sourire. A côté de l’aura rayonnante du magicien, il fait bien pâle figure, mais il faut admettre que baigner dans sa lumière ne lui fait pas autant de mal que ce que son humeur massacrante laisse suggérer. Comme le soleil, même s’il ne peut pas guérir tous les mots, il aide à petite échelle… “Alors que toi, tu penses vraiment à tout.” geint-il avec autant de théâtralité que son peu d’énergie permet en prenant un petit beurre. Il peut bien se forcer au moins à avaler quelque chose pour ne pas inquiéter son ami plus que nécessaire, même si son estomac est plus d’humeur à en rester au liquide. “Tu as tout d’une mère. Jusqu’à la berceuse.”

Son cœur semble plus porté sur l’idée de parler de tout sauf de ses problèmes. Ça l’horripile, quand bien même d’autres trouvent ça cathartique; lui, même chez un psychologue, dégueuler son mal être, ses angoisses, le venin vis-à-vis de ce corps qui le trahit, ça lui laisse toujours un sale goût dans la bouche. Même le café ne pourrait pas aider. “C’était quoi, d’ailleurs ?” Il sifflote une approximation de l'air entendu depuis la cuisine, mais l’air lui manque rapidement. “Tu sais, moi, même après tout ce temps ici, vos chanteurs se mélangent tous dans ma tête.” Un ricanement, plus à son égard qu’autre chose. “Et puis bon, ma mémoire.” m’échappe inexorablement, se dit-il, et si tôt apparue, la pensée le ramène un instant dans cet endroit sombre où il avait failli basculer tout à l’heure, le regard perdu dans le vague. Ça le tue, de ne pas réussir à remettre le doigt dessus. Comme si quelqu’un avait gratté l’étiquette sur le tiroir attitré jusqu’à la rendre illisible. Une petite souris qui s’amuse à grignoter son cerveau et ses souvenirs.


Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:10


La Bohème, Aznavour

Il y a quelque chose de factice.
Dans l’attitude de contenance de Celestyn face à la douleur, dans le flot calme et trivial des paroles d’Antoine face à l’inquiétude.  
Par pudeur,  tout le monde fait semblant que “tout va bien”, essaye de ne pas trop se trahir sans y arriver vraiment.

Antoine n’aime pas ça mais s’y plie pour l’ami, ouvre grand ses yeux d’étonnement quand Celestyn l’interrompt sèchement, lui demande de cesser ces “babillages”.
C'est soudain, inhabituel, imprévu. Cela ne ressemble pas à l’écclésiaste, à la mesure qu’il arbore toujours.

Antoine, lui, est confus de sa propre attitude, s'apprête à s’excuser quand l’homme d’église le devance, demande pardon, soupire,  sourit tristement, remercie le magicien en signe de repentir .

Celestyn est alors d’autant plus surprenant .
Aujourd’hui plus que jamais, le jeune prêtre est “humain” dans la difficulté, laisse entrevoir ces parts moins lumineuses de lui-même. Il est faillible face à l’ami, loin de l’Idéal de l’Eglise et aussitôt libéré des apparats de convenance , de nouveau s’y aliène.

Une esquisse tendre et triste vient étirer les lèvres d’Antoine qui hoche simplement la tête, mouille ses lèvres dans son café pour laisser l’autre parler, s’épancher.  
Il sait que le prêtre en a  besoin alors l’Illusionniste est là pour écouter, sourit derechef quand le Père le compare à une mère, lui demande le nom de l’air meumeuné dans la cuisine.
Il est alors temps à Antoine de reposer son café et de parler, d’insuffler à cette rencontre le doux-amer des couleurs délavées .

“C’est la “Bohème” . Aznavour y parle de la magie disparue de Montmartre, du temps dépassé des artistes, de sa nostalgie . Le quartier était différent avant. Bien moins touristique et plus typique. Maintenant, il ne reste de tout cela que quelques petites rues calmes et quelques cabarets comme celui du Chat Noir.  
C’est une chanson magnifique qui me plonge toujours dans ce Montmartre d’avant.
Je vais te la faire écouter, attends. “


Antoine s’interrompt, saisit son téléphone dans sa poche, le déverrouille, cherche le morceau dans sa bibliothèque musicale avant de monter le volume faible de l’appareil à son maximum.
Les premières notes de pianos lancinants retentissent, valse ancienne à deux mains qui se frôlent sans jamais s'attraper puis, d’un silence en contre-temps, vient la voix, les mots, que l’Illusionniste soufflent à son tour, si légérement qu’ils se mêlent en ceux d’Aznavour.

Antoine est alors ailleurs, entièrement happé, les yeux battant, tantôt ouverts, tantôt clos, le sourire aux coins des lèvres, le bras gauche en pulsation, la tête dodelinant sous la berceuse.
Il observe par intermittence l’ami sans vraiment le percevoir, tout à son moment et une esquisse de paix se dessine, large et radieuse quand la chanson s'arrête .
Il revient alors à Celestyn, s’éveille, ouvrant ses yeux clairs sur le regard de l’Ami .


“N’est-ce pas sublime ? Je la trouve poignante cette chanson. Elle me fait écho.

Etrangement, je ressens un peu cet esprit de douceur et de calme légèrement désuet quand je suis avec toi. C’est agréable . Ta compagnie, même dans tes mauvais jours, me ressource .  Je trouve en toi un semblable différent, la face pieuse de mon esprit impie . “


Un éclat de rire léger fleurit entre ses lèvres .

“Tu dois penser que je raconte des bêtises ! Les Illusionnistes, comme les mères ou les hommes d’Eglise, sont des âmes sentimentales qui aiment la  poésie et les paraboles.”


Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:11
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
La grâce d’Antoine a simplement lui emboîter le pas sans remarque ni jugement sur ses élans intempestifs le soulage: c’est bon d’avoir quelqu’un à ses côtés sans avoir à sentir le poids de la pitié et de l’inquiétude peser sur ses épaules, tant qu’il se laisse observer son vis-à-vis sans forcer un sourire. Il a toujours eu une grande affection pour la compagnie de l'illusionniste, aussi excentrique était-il, mais son appréciation de sa présence venait de s’approfondir soudainement, comme il eût arrivé à l’université, où de simples camarades de classe pouvaient devenir de précieux confidents le temps d’une soirée à refaire le monde.

La mélancolique nostalgie de la chanson lui est intimement familière: quand bien même Celestyn ne rêve pas particulièrement de ce vieux Montmartre fantasmagorique, il rêve bien souvent d’un temps révolu et d’opportunités manquées, d’autres vies qui ne seront jamais. Pour Antoine, par contre, elle semble résonner en lui comme si elle avait été écrite pour son propre cœur. Les paroles passent au second plan alors qu’il se perd dans ses songes en détaillant le magicien, lui-même perdu loin dans les rues couleur sépia d’un lieu qui n’existera plus jamais tel qu’il l’était ailleurs que dans son imaginaire. Immortel tant que les gens continuent à ressasser ces souvenirs, à les rêver et les embellir, réveillé d’outre-tombe tel Lazare. Il se demande, un instant, si, lorsque la maladie l’emportera, il animera aussi son âme ainsi, en souvenir de leurs conversations passées, ou si son fantôme finirait par s’effacer de sa mémoire avant même de passer de vie à trépas.

Leurs yeux se croisent alors que le silence reprend son souffle.

“Mh-mh…” est sa seule réponse en un premier temps, acquiesçant les sentiments sur la chanson de son vis-à-vis, mais la suite le prend de court.

Celestyn le fixe avec ce qui doit ressembler à une stupeur indescriptible, comme s’il venait de le poignarder, figé même alors que le rire léger de l’homme était habituellement si contagieux. Il n’a jamais été quelqu’un qui manquait d’amour; il avait toujours été bien entouré et, après avoir surmonté une enfance un peu solitaire, n’avait jamais peiné à se faire apprécier par les autres, au travail comme en privé. Ce n’était pas la première fois qu’on lui disait des mots similaires, pourtant une grosse larme se met à rouler le long de sa joue pâle.

Il l’essuie d’un revers de main tremblant en se détournant de l'illusionniste, les sourcils froncés, contrariés par ce déluge d’émotions, et n’ose même pas ouvrir la bouche de peur de ne pas réussir à contenir ce qui pourrait sortir. Il n’a que le mur et la porcelaine chaude de la tasse contre sa paume pour compagnie à cet instant, mais chaque seconde de silence le fait se sentir plus ingrat face à tant de gentillesse. Il sait que c’est la déprime qui parle, mais il ne peut s’empêcher de se dire que c’est ça, son véritable fond: un égoïste hypocrite qui ne fait que jouer le bon Père pour se sentir indispensable auprès de gens comme lui.

Un bref rire amer arrive enfin à se faufiler au-delà de ses lèvres. Enorgueilli par son apitoiement, Celestyn daigne enfin répondre, se détournant enfin du mur.

“De nous deux, je suis probablement le plus impie, Antoine.” Son petit sourire n’a rien de railleur, c’est la défaite qui paraît sur son visage. Ça lui fait du mal, l’impression d’avoir menti à une personne qui a une si haute estime de lui, d’avoir joué un rôle alors qu’elle se montre toujours si authentiquement à lui.

La chaleur de la tasse commence à lui brûler les mains, mais il l’ignore, posant son regard sur le crucifix au mur, comme un fils défie son père. “Je suis même pas devenu curé par vocation. J’ai juste pris la décision sur un coup de tête parce que j’avais le béguin pour le curé de ma pastorale.” Malgré l'âpreté dans la façon dont il crache ses propos, toute trace de dédain s’efface de son visage avant de reporter son attention sur Antoine, laissant place à une triste admiration. “Tu n’as peut-être rien d’un Saint au sens chrétien, mais ils n’ont rien à t’envier: tu vis véritablement et tu le transmets aux autres, intentionnellement ou non.” Il soupire profondément. “Rien à voir avec le simulacre de réconfort que je prodigue en jouant les bons chrétiens.”

C’est presque dégoûtant à quel point il le jalouse au fond. Elle a toujours été là, cette pointe de jalousie en le voyant vivre son rêve bohème avec tant de sincérité; jamais il ne se sentait plus acculé dans ses propres choix qu’en le côtoyant. Et pourtant, il n’avait pu s’empêcher de graviter autour de lui, comme si un peu de son insouciante liberté arriverait peut-être à déteindre sur lui à force. Il ramène ses genoux contre sa poitrine avec un peu de peine, prenant garde à ne pas renverser le café tiédissant, pour y poser sa joue, la pièce tanguant doucement jusqu’à retrouver l’équilibre. “J’aurais voulu te rencontrer plus tôt pour en profiter plus longtemps.” Ça n’a rien d’aussi poétiques que les mots du magicien à son égard, mais ça portait à peu près le même sentiment, quand bien même sa compagnie tendait plus à chambouler ses émotions qu’à les calmer.


Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:11


Je rêve, Gregory Lemarchal

Quand Antoine avait parlé, il l’avait fait avec son coeur.
Porté par la musique, une ôde avait résonné en son âme et ses mots s’étaient habillés d’amour pur, désintéressé .  
Sans même y penser, il  avait alors parlé, la Parole messagère de sa tendresse, de cette chaleur douce qui l’habite quand il est avec l’ami.

Il le fait le sourire aux lèvres mais son amour est de ceux si sincères et pleins que l’Autre ne peut le recevoir, l’âme dans le rejet, trop touchée, vibrante, chamboulée.
Antoine ne le réalise que trop tard quand une larme muette coule sur la joue de Celestyn, que le prêtre, pris par l’émotion se détourne, fuit le regard de l’ami.

Pour s’être trop longtemps entravé jusqu’au trop-plein débordant, l’illusionniste comprend alors pleinement. Il  perçoit s’en voir, devine  les mots coincés dans la gorge du Père, l’impression d’étouffer qui se cache derrière son silence . Il connaît cette souffrance, ce sentiment de digue brisée, le besoin de laisser le temps à l'apaisement, à la marée de refluer.

Il sait aussi qu’il doit rester là, présent, quand l’ami sera prêt de nouveau à l'accueillir en son monde, esquisse un sourire d’Agapé vers le compagnon qui s’est détourné de lui.

Il attend alors, immobile que l’autre lui revienne , étire un peu plus ses lèvres de tendresse quand Celestyn retrouve ses mots, le courage de faire face .
Il le laisse parler, écoute les paroles amères, protège son cœur de leur tristesse, tente par son attitude sereine d'apaiser davantage l’Ami.  
Il est passif, dans l’empathie et le partage du fardeau mais sait qu’il ne le restera pas dès que le Père aura fini.

Antoine se le refuse, incapable de laisser sans réponse les croyances fausses, déformées, douloureuses que le prêtre a prononcées sur lui-même.
Celestyn est trop précieux pour que l'illusionniste lui permette de s’y enfermer, belle-âme qui mérite de connaître une estime de-soi plus douce, lumineuse, imprégnée de celles de ceux qui l’aime. De la sienne, en présent de son amitié.

Quand le Père se recroqueville, le magicien souffle donc doucement  et à son tour, se prépare à la joute sereine des idées, pose calmement sa main droite sur le genoux de Celestyn, non loin de son visage.

“Ne dis pas ça. Tu m’as rencontré au bon moment comme tu as eu le béguin pour ton curé de pastorale au bon moment.”

Il se tait quelques secondes pour réfléchir, caresse machinalement, à peine, le genoux du Prêtre de son pouce.

“Je… n’y connais pas grand chose en Dieu mais je sais au moins que c’est un Dieu d’amour alors n’y a-il pas de plus bel appel de Dieu que l’admiration et l’amour envers un de ses représentants ? Tu n’as peut-être pas grandi avec l’appel de Dieu mais j’aime à croire que toutes les vocations et les chemins sont différents et légitimes . L’important est d’arriver au bout de son cheminement et de s’y épanouir. “

Son sourire s'agrandit, affectueux et songeur, entièrement destiné à l’Ami qu’il fixe de ses yeux tendres aux ridules étirées.

“Quant à moi, je suis bien une âme impie. Je n’ai rien d’un saint. “

Antoine rigole pour lui-même en un éclat léger avant de reprendre, une étincelle nouvelle dans le regard, davantage légère “

“Tu ne le sais pas mais avant d’être illusionniste, j’ai fait des études de médecine pendant cinq ans . Pour de mauvaises raisons, j’y ai sacrifié ma santé mentale.  


Son ton change, se pare de nuances plus subtiles et indescriptibles de nostalgie et de dérision amère pour celui d’Hier.

“ A vingt-deux ans, j’étais addict au tramadol . Je volais des ordonnances à mes supérieurs pour en acheter .
Mes études m’étaient insupportables mais je me forçais à tenir par devoir .  Je travaillais trop pour à côté, sortir énormément, faire le con  dans l’espoir de décompresser et de m’enivrer …”


Il s'arrête dans son récit, attrape sa tasse de sa main libre, boit une petite gorgée et reprend, l’intonation plus serein, apaisée.

“ Peut-être aurais-je mal fini si je n’avais pas rencontré mon beau-père . C’est lui qui m’a fait découvrir la magie. Il m’a aussi énormément aidé dans mon sevrage, m’a fait découvrir une autre façon de vivre, m’a retiré toutes les œillères que j’avais devant les yeux . Il me fascinait . Au fur et à mesure, nous sommes devenus amis puis amants  . Je profitais d’être son assistant pour coucher avec lui dans les loges. “  

Un sourire malicieux et nostalgique se peint sur ses lèvres.
Celestyn sera peut-être choqué et déçu de ses aveux mais Antoine s’en moque car cette histoire est celle qui a esquissé  l’homme qu’il est, son bonheur d’Hier et d’Aujourd’hui,...

“ Je suis devenu illusionniste en ayant une relation adultère avec mon beau-père de vingt ans mon ainé sans que ma mère ne le sache jamais .
Ce n’était peut-être pas des bons choix et beaucoup de péchés aux yeux de Dieu mais je ne les regrette pas. Lucian m’a tant apporté . Il m’a sauvé et m’a permis de trouver ma vocation, de m’épanouir dans l’amour et la liberté. C’est grâce à lui que je suis l’homme que je suis aujourd’hui.  “



Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:12
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
La main sur son genou le retient comme une ancre à son bateau, un soutien bienvenu au milieu de son déluge émotionnel. Celestyn regrette, l’espace d’une seconde, d’avoir laissé ses grosses vagues se heurter à Antoine; c’est ce qui arrive à chaque fois qu’il se confie à quelqu’un. Ce genre de propos, ça ne fait qu’inquiéter inutilement les autres, ni plus ni rien.
Mais, avant même que la pensée puisse tourbillonner et se muer en typhon, l'illusionniste apporte un vent de calme en quelques simples mots. Un miroir aux siens, en partie, qui lui fait réaliser à quel point ils sonnent ridicules. Bizarrement, ça arrive même à lui faire souffler du nez, pas encore tout à fait un rire, mais un semblant de sourire s’étire tout de même sur ses lèvres.

Celestyn décide alors de se taire et de l’écouter religieusement, l’observant sous cet angle si étrange. Ironiquement, pour un néophyte en théologie, il lui rappelle à cet instant le curé de sa jeunesse. Non pas qu’il arbore les mêmes sentiments pour le magicien, mais sa façon, quoi que plus maladroite, de réconforter sans jugement le ramène vingt ans en arrière, la dernière fois qu’il avait pleuré devant quelqu’un. Alors, forcément, le visage de son aîné se brouille et une ou deux larmes supplémentaires lui échappent, tout aussi silencieuses que la première, traçant la courbe de l’arête de son nez avant de venir s’éteindre contre son genou. Pourtant, cette fois, le sourire d’Antoine est juste trop contagieux pour ne pas l’atteindre. Difficile à dire alors si ce sont des larmes de douleur ou de joie.

L'illusionniste le tire ensuite loin de lui-même, et bien vite, Celestyn réalise que c’est vers les coulisses de son être qu’il l’emmène. Il le regarde comme il doit le regarder sur scène, mais avec la révérence due à ce genre de confession. Soudainement, il aurait juré qu’il n’existait plus qu’eux, tirant le rideau sur une part inexplorée de la vie de son vis-à-vis. Ces années à côtoyer les habitants de la butte et à écouter leurs secrets les plus intimes n’avaient rien à voir avec cela: cette fois, il écoutait en temps qu’ami. Cette entrevue sur le passé d’Antoine, plus encore qu’une simple anecdote, l’honorait silencieusement de ce titre. Leur relation venait de briser sa chrysalide, laissant une amitié, encore délicate, en émerger.

Si cela le laisse quelque peu ému, la nature des propos d’Antoine, eux, finissent par avoir raison de lui: c’est un “Oh !”, mi choqué, mi amusé, qui lui échappe en entendant ses aveux, pris de court alors qu’il s’était perdu dans ce récit bouleversant. Si ça peut ressembler à de la désapprobation, le grand sourire et le gloussement étouffé qui le prend balaie tout soupçon, pire qu’un ado durant un cours d’éducation sexuelle.
Il ne l’interrompt pourtant pas une seconde fois, lui laissant le temps de conclure cette entrevue spéciale, de peur peut-être de la ruiner. Quand il la sent toucher à sa fin, il laisse un instant le silence régner, bouche-bée, cherchant exactement quoi répondre à cela. “Wow… Antoine-” Il reste coi et secoue légèrement la tête pour essayer de démêler les mots qui lui manquent, ce qui ébranle sa pauvre oreille interne et lui fait faire la grimace. C’est peut-être l’étourdissement qui lui fait dire un truc aussi stupide après tant d’éloquence:

“J’arrive pas à croire qu’on est les deux eût un truc pour des mecs qui auraient pû être nos pères.”

Ça flotte un instant dans l’air, avant qu’il ne réalise exactement ce qui est sorti de sa bouche. “Je veux dire- c’est quand même dingue comme coïncidence. Enfin- j’essaie pas de banaliser l’impacte que cette relation a eu sur ta vie, mais, j’ai pas pu m’empêcher de voir la connection et- et-” Il sait pertinemment qu’il s’enfonce, alors il préfère se taire et aller cacher son visage écarlate dans ses mains, trop chaude d’avoir enlacés la tasse abandonnée sur son lit. Il lui faut un instant pour rassembler ses pensées, un soupir, avant d’oser se remontrer à l'illusionniste, toujours gêné.

Il se permet de l’imiter pour tenter de retrouver un peu de son habituel quiétude, posant sa main sur son genou. “Merci, Antoine.” Il la retire et la joint à l’autre, son regard tombant dans le creux de ses paumes, à observer les sillons creusés là. Des lignes qu’il ne sait lire, mais dont la signification semble parfaitement accordée au moment. “Je me doute que ce ne sont pas tous des souvenirs faciles à ressasser, ni qu’il faut du courage pour être en paix avec.” Il joint ses pouces, continuant d’observer ce qu’il croit se rappeler être la supposée ligne de vie. “Ça m’est très précieux que tu m’en ais parlé.”

Cette fois, Celestyn relève la tête pour lui adresser un sourire, un peu fatigué, certes, mais plein de gratitude. Même si, étude de médecine ou non, Antoine ne pouvait rien faire pour sa maladie, cela faisait longtemps que quelqu’un n’avait pas réussi à apaiser ses souffrances. Peut-être, en un sens, que l'illusionniste avait simplement trouvé un meilleur chemin pour guérir les gens que le premier.

Une chose continue cependant à le chicaner.

“ Si ce n’est pas indiscret…” commence-t-il, la façon dont il joue avec ses pouces trahissant sa nervosité. “… Où est-il, à présent ?”

Il appréhende la réponse, mais c’est un regard plein d’espoir naïf qu’il pose sur Antoine. C’est probablement son romantisme qui l’y pousse, plus que la curiosité, ou encore cette singulière similarité de leur passé qui le fait se projeter sur lui. Une sorte de ‘et si’ dont il a l’impression de pouvoir avoir la réponse à travers le vécu de son aîné, tout en sachant très bien que les choses ne marchent pas ainsi.


Antoine Dastre
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:13


One Last Thought, The Daydream club

Les mots, la sincérité et la bienveillance ont réussi à calmer la tempête des cœurs nébuleux.
Antoine a parlé librement et l’Ami, pour la première fois, sincèrement, a ri, sourit.
Ses yeux encore humides, trop émus, se sont plissés sous l’amusement et le Père, sans rien dire vraiment,  semble de nouveau s’octroyer le droit à des éclats de joie .
Il est beau ainsi Celestyn, doux comme un rayon de soleil timide dans la grisaille de l’hiver, maladroit, touchant et gêné comme un enfant sentant qu’il n’arrive à correctement s’exprimer.

Antoine aime le voir ainsi, vivant, imparfait, loin du rôle de prêtre, présent malgré la maladie qui lui cheville le corps .
Là est le vrai Celestyn, dépouillé de tout ce qui pourrait l’entraver. Là est l’homme que l’Illusionniste préfére, celui qu’il a envie d’hisser davantage en dehors de cette carcasse trop lourde et douloureuse, de cet esprit trop formaté que la religion a modelé .
Là est la fleur à éclore, celle qui, une fois distillée donnera l’essence pure de l’âme.

Antoine pense ainsi, vit le présent pour transformer l’avenir, accompagne avec douceur dans l’espoir  d’être le témoin de cet homme plus grand que chacun peut devenir .
C’est pour ce vœu qu’il sourit toujours, raconte, partage  et jamais ne juge.

C’est pour cela qu’il répond à toute les questions -toujours légitimes, en aucun cas indiscrétes- sans fard, ni honte .


” Il n'y a rien d'indiscret, ne t'inquiète pas. Lucien vit toujours avec ma mère à Metz où ils passent une retraite tranquille. Nous nous voyons de temps en temps, pour les célébrations ou quand j’ai besoin de prendre l’air loin de Paris et de voir ceux que j’aime. “

Cela arrive parfois, quand il ne parvient pas à maintenir le rêve éveillé de sa vie, que l’illusion de Montmartre s'estompe et que l’angoisse et la détresse l’enserrent, laissant couler sur ses joues des larmes salines.

“Je suis comme toute les âmes trop sensibles. J’ai parfois le mal-du-pays ou le mal-de-l’être.
Je te comprends quand tu doutes de toi car j’ai parfois une gangrène à l’intérieur de moi qui fait que je me déteste, que je regrette les choix que j’ai fait. Je me dis que je n’aurais pas dû abandonner mes études de médecine, que devenir illusionniste était un choix de facilité, que j’ai accepté de “perdre”...
Qu’à presque cinquante ans, ma vie de bohème n’est plus raisonnable, que je devrais avoir une grande maison et une famille, que je devrais arrêter de repousser mes démarches administratives ou de jouer avec les enfants du quartier car les gens pensent que je suis mal-intentionné .

Il y a tant de pensées tristes terrées en moi mais ce n’est pas grave.  Je les accepte car je sais que leur violence n’est que temporaire, que si mon coeur déborde, Lucien sera là pour l’écoper . ”


Il se tait un instant pour faire planer un silence de gratitude envers celui qui est à l’instant absent.


“ Peut-être posais-tu implicitement la question quand tu me demandais où il était, peut-être me fourvoie-je mais, pour te répondre au mieux, cela  fait bien longtemps que ma relation avec Lucien n’a plus rien à voir avec celle que nous avons pu entretenir. Il n’y a plus rien de sexuel mais l’attachement perdure, ses sourires, ses mots, sa façon de me prendre dans ses bras pour me saluer ou me réconforte, tout ça est devenu un havre pour moi. Un retour au nid .
Nous sommes passés d’Eros à Storgé. “


Et cet amour était si grand, si pur qu’il en avait transcendé le temps, la distance et les conventions pour en devenir immuable.

“Toi aussi, si ce n’est pas encore le cas, tu découvriras un jour ton Storgé . Peut-être sera-ce un proche ou bien l’Eglise.”

Peut-être  est-ce déjà ce curé de la pastorale que Celestyn a aimé et sur lequel Antoine n’ose l’interroger par volonté de ne pas s’imposer..
Peut-être est-ce déjà un amoureux ou un fidèle, quelqu’un ou quelque chose que l’Ami lui révélera s’il le souhaite.
Rien ne presse aux heures de la confidence.
Celestyn Rossillon
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:13
With the door closed, shades drawn, the world shrinks
Cette capacité à ouvrir les portes de son âme le laisse sans voix; dans toutes leurs similarités, l’apparente facilité avec laquelle Antoine partage ses introspections les plus profondes lui échappe tout autant que ses tours de passe-passe. A vrai dire, même si son ami tentait de lui expliquer la marche à suivre, Celestyn n’était pas bien sûr d’être capable de répliquer l’exploit.

“Personne n’est infaillible…” souffle-t-il doucement en reposant sa joue contre son genou le plus doucement possible afin de ne pas s’étourdir à nouveau.
Le mal du pays, il le connaît bien; ces moments de faiblesses où plus encore que retourner d’où l’on vient, l’on voudrait se réfugier dans un passé qui n’existe plus exactement. Encore fallait-il pour cela savoir où se trouve sa maison pour y retourner; aussi loin qu’il s’en souvenait, Celestyn n’avait jamais été tout à fait à sa place où que ce soit…

Préférant ne pas se jeter dans ce maelström-là, il ferme les yeux pour savourer la mélodie des confidences et la poésie dans les mots de son compagnon, ne l’interrompant que pour souffler du nez face à son accusation. “Touché.” Une toute petite raillerie qui laisse un sourire sur ses lèvres qu’il garde à présent fermées dans l’espoir qu’Antoine continue infiniment de parler.
On sent l’amour dans ses paroles, le vrai, celui qui ne peut être décrit que par des concepts immémoriaux, et à cet instant, la jalousie de n’y avoir jamais goûté pointe le bout de son nez, telle une aiguille logée près de son cœur menaçant de le crever à chaque inspiration trop profonde. Quel doux supplice que de l’écouter parler de cette relation singulière !

“Je crois devoir me contenter de l’agapé…” Parler en ces termes anciens le fait sourire malgré la douleur de l’envie au creux de sa poitrine; ça lui rappelle le contexte académique de sa jeunesse, les heures passées à poncer philosophes sur théologues afin d’espérer ne serait-ce que commencer à comprendre la pensée humaine, sans jamais apprendre à se comprendre soi-même. “Enfin, je devrais.”

La fin de sa phrase reste en suspens malgré sa finalité.

“Comme il a l’air curieux de voir le monde à travers tes yeux, Antoine.” Il ouvre les yeux et cherche le regard de son vis-à-vis. Malgré le café bienvenu, la fatigue tire ses traits, et savoir que cela sera encore le cas pour Dieu sait combien de temps la fait peser plus lourd encore sur ses épaules; mais il s’accroche à la conversation, désireux de trifouiller un peu plus encore le cerveau de son ami. “Même ta douleur semble poétique.” A la fois incroyablement humaine et véritable mais à l’allure inatteignable, quasi-christique; à côté, ses vices et ses souffrances paraissent plus fangeux encore.

“Moi, je ne suis même pas certain que je saurais être comblé par un tel amour.” C’est dit sans venin à son égard; une simple constatation. “Des fois, j’ai l’impression de n’avoir besoin de rien de plus que ce que j’ai déjà, mais je crois bien être terminalement boulimique de l’amour.” Antoine donne l’impression qu’il est si facile de se confier, mais les mots ne se mêlent pas avec la même poésie dans sa bouche. Ils sonnent plein d’un jugement qui ne semble pas tout à fait sien, dénué du recul impressionnant de son aîné malgré ses années passées à retourner ces questions dans sa tête.  

“Je dis ça, et je ne suis même pas sûr que ce soit mes mots.” Celestyn jette mollement les mains en l’air avant de laisser échapper un long soupir. “Probablement qu’au fond, ce dédain pour éros m’a été instillé et je me torture par narcissisme.” Les catholiques ne sont pas renommés pour leur culpabilité pour rien, et aussi décomplexé qu’il essaie de paraître, elle continuera probablement à lui coller à la peau encore longtemps.

Mécontent de simplement s’apitoyer sur sa nature, il relance la balle à son vis-à-vis. “Si ce n’est plus comme ça entre vous, l’envie ne te prend jamais ? Tu vois du monde, ou tu n’en ressens pas le besoin ?” Trop à l’aise ou trop épuisé pour se gêner de faire une autre indiscrétion, difficile à dire: au fond, rendu là dans leur conversation, ça n’avait plus grand chose de tabou.


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