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Antoine Dastre
IRL
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 16:24

hrp : Ce rp est la suite directe de l'event intrigue

This Place was a shelter, Olafur Arnalds

Les mots de Monsieur Delahaye sont une claque.
Cinglante, précise, douloureuse.
Il n’y a pas d’autre terme.

Antoine ne s’y attendait pas alors même que tout depuis le début de cette soirée semble appartenir à une fable absurde et surnaturelle.
La disparition subite de leurs amis, Monsieur Poisson, l’irrationnel de leur situation, les nerfs qui lâchent, l’incompréhensible… Tout ceci pourtant ne semblait pas suffire et voilà que l’homme qui est censé représenter l’ordre et la sécurité en ce cabaret leur balance ça comme on jette une bombe dans une fosse pour disloquer les corps en lambeaux de chair.

« Vos amis ont disparus dans une faille temporelle. [...] D’ici-là, je suis désolé de vous l'annoncer mais aucun de vous ne quittera cette salle. »

Les mâchoires de l'Illusionniste se contractent de colère et ses doigts serrent davantage le verre de scotch dans sa main gauche, tellement que ses phalanges blanchissent, que le nerf médian se bombe sous la peau fine de ses avant-bras.
Tout se tend et il ressemble alors à son propre père, les soirs où l’alcool le possédait et que tout pétait dans la maison.
Il se ressent comme devait se ressentir ce père puissant et impuissant, destructeur dans la frustration.

Il s’apprête d'ailleurs à se lever de la chaise pour partir sous l'emportement quand M.Delahaye l’interrompt pour laisser rentrer Madame, accompagnée de M. Poisson.
Le changement de scène le souffle comme une chandelle et tout à partir de cet instant va très vite.
Trop vite.
La comédie de Mme Delahaye, M.Poisson au Piano, l'air de la Pavane puis, en un battement de paupière, plus rien. Plus d’eux mais les amis qui sont revenus.

Antoine a à peine le temps de comprendre que Monsieur Delahaye reprend le cours de sa partition, qu’il continue inlassablement de les mener par le bout de la baguette comme un chef d’orchestre.
Ils ne sont pour lui que des instruments. C’est évident.
Il veut les mettre au diapason, les accorder à sa pensée même si cela doit passer par des menaces envers eux, les artistes et les techniciens du Chat Noir, mais aussi envers ceux qui lui sont indépendants.

C’est ce qui est le plus insupportable pour l’Illusionniste ce Qui que vous soyez, vous serez éclaboussés par le scandale” en direction de Celestyn.

Le choix des mots ne laisse aucun doute par rapport à leur sens alors que le scandale du Cardinal Barbarin et du Père Preynat ne remonte à pas plus d’un an et qu’un article contre les crimes pédophiles a été inscrit dans le droit canon du Vatican en juin dernier .

C’est abjecte.
Cette loi du silence, tout ce qui sort de la bouche de M.Delahaye et la trahison même de cet homme à qui Antoine faisait confiance.

Monsieur et Madame… Ils se sont bien foutus de leurs gueules et maintenant que tout est découvert, ils font d’eux leurs complices et leurs otages.

Abjecte. Abjecte abjecte abjecte.
A vomir.
A détruire.


Fracasser contre un mur. En mille morceaux.

Antoine a vu tant de fois cela gosse que l’envie le possède en écho, le fait finir son verre d’une traite et quitter sa place le poing haut à la suite de Monsieur Delahaye, prêt à frapper.  

Abjecte. Petit. Lâche. Traître.
A vomir.
A détruire.

Il sent le sang monter à son visage et ses ongles s’enfoncer dans la paume de sa main quand son regard croise celui de Celestyn et qu’il y lit la peur, l’incompréhension face à cet Antoine qu’il ne reconnaît plus .

C’est un retour de plus de quarante ans en arrière. Face à lui-même gamin de 5 ans. Face à sa petite sœur qui pleure, sa mère qui tente de raisonner ce père-monstre, prisonnier à jamais des cauchemars et du Liban.  

La vision est une douche froide, un réveil brutal qui laisse des larmes naître aux coins de ses yeux, sa main retomber, tout proche de celle de l’ami.

“Rentrons Celestyn.”

Il ne supporte plus de rester ici.

Celestyn Rossillon
IRL
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Celestyn Rossillon
# Mar 10 Jan - 16:25
Summer dissolves into my mouth and I can't remember what it tasted like
L’été avait si bien commencé.

Après le dernier passé en confinement au presbytère, Celestyn n’aurait pas pû rêver de mieux. Cela faisait depuis longtemps que les jours n’avaient pas filé ainsi, rythmé par la mélodie estivale du bonheur insouciant. C'était un renouveau dans son quotidien, une bouffée d’air frais qui avait même réussi à faire oublier les impitoyables rayons du soleil sur sa peau pâle.

Comment est-ce que tout a pu tourner si mal en une soirée ?

Le soulagement de revoir les autres n’est que de courte durée, car tout de suite après tombe le couperet.
L’absurdité laisse place à la réalité froide et le reste du discours de monsieur Delahaye s’évapore loin, loin derrière le sang qui bat dans ses tympans. Ni colère ni révolte n’effleure son esprit: c’est le trop plein d'émotions, il n’y a plus une place pour aucunes d’entre elles. Le vide intersidérale.

Il pense un instant qu’il est en train de faire un malaise.
Lève le nez vers Antoine, cherche une ancre à la réalité pour s’empêcher de sombrer.

Regarde interdit l’inconnu qui croise son regard.

Peut-être que la peur qui le saisit à l’instant n’est qu’une réaction délayée aux menaces proférées à son égard,
ou peut-être bien est-ce les mâchoires du masque de rage en face de lui qui se referment sur son échine.

Il ne sait pas.
Il n’est plus sûr de rien.

Même lorsqu’il retrouve le magicien qu’il a si souvent attendu avec impatience ces dernières semaines, même lorsqu’il sent l’ouragan menacer de se muer en sanglot au fond de ses yeux bleus,
Il ne sait pas,

mais sa main vient se réfugier dans la sienne lorsqu’elle retombe mollement à ses côtés, sa sœur venant s’agripper à son bras sans réaliser la force avec laquelle ses doigts l'enserrent,
comme il ne réalise pas que ses incisives ont percé sa lèvre exsangue.

Il ne sait pas comment ses jambes peuvent le porter,
cramponné comme ça, Antoine comme seul canne.
(il ne se préoccupe même pas de savoir si l'illusionniste l’a emportée ou s’ils l’ont oubliée dans cet affreux cabaret)

(Affreux.)

Affreux.

Le mot ne cesse de tourbillonner dans le vortex de ses pensées.

Le goût âcre du sang lui parvient enfin et cette fois-ci ses jambes se dérobent sous son poids.
Le barrage a cédé à la pression, mais le flot est tel que les émotions restent aussi indéchiffrables que son visage.
Sa main se resserre autour du bras de son ami.

“Reste…” Sa voix peine à se faufiler à travers sa gorge serrée, un misérablement coassement englouti par le couvert de la nuit. “Reste avec moi…”

Qui lui dit qu’il ne disparaîtra pas à son tour s’ils se quittent même un instant ?


Antoine Dastre
IRL
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Antoine Dastre
# Mar 10 Jan - 19:30

Il aurait pu basculer.
Il aurait pu devenir fou, devenir ce père tout en poing et en vaisselle brisée.
Il aurait pu frapper, détruire, vomir sa colère et ne rien regretter.
Il a ça dans le sang et dans la tête, dans son cœur qui s’emballe, comme un pulsion qui sommeille en lui et qu’il suffit de répéter.
Il est comme ça derrière sa douceur et son air ailleurs. C’est un enfant de la violence qui s’est imprégné de ses baisers.

Il aurait pu libérer la Bête mais Celestyn a été là néanmoins. Il l’a sauvé de la chute comme il a été l’origine de sa colère, de cette émotion trop grande, qui ravage tout .

L’Ami est là dans ses regards et dans ses gestes et Antoine, de peur de le briser et de se faire détester, s'apaise, laisse le Père le prendre par la main et le guider, l'emmener loin, vers la lumière.

L'Illusionniste n’est qu’une ombre à ses côtés, un enfant qui se laisse faire jusqu’à ce que l’Ami s’effondre à son tour sur le pas de la Cité Véron, face au boulevard de Clichy.
Celestyn aura tenu jusqu’à les sortir de là, du Chat Noir et de ses secrets, de cette ruelle hors de la réalité.

Ils ne sont plus dans ce rêve qui a tourné au cauchemar et le bitume sale du trottoir, les néons criards des sexshops de l’autre côté de la rue et la voie verte où traînent des zonards sont autant d’ancres qui les ramènent au présent, au brouhaha de Paris.
S’en est presque rassurant.

Pour Antoine seulement car la main de Celestyn se resserre autour de son bras, la supplique aux lèvres, un croc rouge perçant la pulpe de sa lippe.

“Reste… Reste avec moi.”

C’est un crève-cœur à l’esprit de l'Illusionniste qui à son tour renforce l’étreinte de ses doigts entre ceux de l’Ami, vient, le regard fuyant, apposer une paume sur l’épaule du Père, masser doucement le creux de sa clavicule.

“Je ne vais nulle part . ”

Lui qui a été chassé hors de son propre havre, sa place n’est nulle autre part qu’ici, prêt de Celestyn.
A l’accompagner.
A compter sur lui.
A se demander qui est le soutien de l’autre.

“Je vais te raccompagner au presbytère. J’appelle un Uber. Je paye, ne t'inquiète pas. ”

Le cœur écorché, le corps épuisé, Antoine sait qu’ils n’arriveront pas à remonter la longue pente qui mène jusqu’à la place du Tertre.
Il ne le souhaite pas de toute manière, la nausée et l'angoisse enserrant sa gorge à l’idée de voir le tableau illusoire qu'aborde Montmartre, cette fantaisie où des inconnus rient assis sur la pelouse du square Louise Michel, le Carrousel devant eux tournant sous les cris ravis d’enfants.

C’est un idéal en toc qui, dans son esprit appartient au Chat Noir. Aux Delahaye. Aux mensonges et aux vies qu’ils sont prêts à briser pour garder intact leurs rêves et leurs secrets de pacotille .

Antoine serre les dents, souffle de fatigue et de nervosité mêlée et saisit son téléphone pour réserver un VTC. Il remet l’objet dans sa poche aussitôt cela fait et lève la tête au ciel où aucune étoile apparaît.

“Désolé pour tout ça.”

Pour la violence dont il a fait preuve, pour les mots proférés par M.Delahaye.

“Je n’aurai pas dû me mettre en colère, je ressemble à mon père ainsi…”

Il n’aime pas cela. Ni le ressentir, ni montrer ce stigmate devant les êtres qui comptent.
Cette colère, ce n’est pas lui.

“La menace de M.Delahaye à ton encontre était immonde…”


Celestyn Rossillon
IRL
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Celestyn Rossillon
# Mer 1 Fév - 23:06
Summer dissolves into my mouth and I can't remember what it tasted like
Au milieu du tumulte, il n’y a pas de place pour la honte; ni pour sa faiblesse, ni pour la peur. C’est plus simple, peut-être, car c’est face à lui qu’il a perdu ses moyens, le reste de Paris éclipsé par le malaise grandissant au creux de sa poitrine malgré le poids rassurant de sa main sur son épaule.
Il veut secouer la tête, mais n’y parvient qu’à peine.

Le presbytère, ça n’est pas assez loin.

Son instinct lui hurle de fuir. Loin du Chat Noir, bien au-delà de cette satanée ville.
Mais cela ne lui permettra pas d’échapper à ce qu’il vient de voir. Alors il ne fait rien, assis sur ses talons, la main ne lâchant pas celle d’Antoine, jamais.

Il reste là, comme il l’a toujours été, jusqu’à ce que les mots le sortent de la torpeur, ramènent ses yeux pâles à la réalité. Le brouhaha lointain remplace doucement le bruit blanc qui avait élu domicile dans le trop plein alors qu’il réessaye de faire non de la tête avec un peu plus de succès cette fois, les paupières étroitement fermées tentant de chasser l’image qui lui avait glacé le sang. “Ce n’est pas de ta faute.” L’Homme est esclave de ses propres émotions, lui-même n’avait su contenir l’effroi qui aurait dû se contenter de silencieusement le prendre à la gorge sans jamais transparaître sur son visage au lieu de blesser son ami. Quoi de plus normal que de se révolter face à l’impuissance, de se laisser envahir par la rage quand les murs ont déjà été abattus par la succession de peur et d’incompréhension qui avait précédé cette sentence cruelle ?

Antoine ne méritait pas de s’autoflageller ainsi, mais il ne pouvait qu’espérer pouvoir l’apaiser suffisamment pour l’en empêcher. C’est pourtant lui qui l’aide, une fois encore, à se relever. Le Père supposé apporter réconfort et absolution ne se retrouve qu’à peser sur son ami, incapable de puiser dans la sagesse siphonnée par ce cauchemars. Seul un rire piteux réussit à percer, plein d’amertume et de tristesse. “Elle était facile.” Un manque cruel d’imagination qu’il tentait, tant bien que mal, de garder à distance; d'empêcher le venin de s’infiltrer et l’empoisonner, de ne pas le laisser réveiller l’épée de Damoclès qui lui pendait au-dessus de la tête malgré sa nonchalance vis-à-vis de ses écarts de conduite. Car à la vue du publique, il n’y avait qu’un pas

Entre pédéraste et pédophile.

Un mot des Delahaye et sa vie partirait en éclat, comme ça.
Pas de problème, il n’avait pas l’intention de piper mot à propos de l’incident d’aujourd’hui. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec le Chat Noir et ses secrets.

Et pourtant sa main se resserre de concert avec son cœur dans celle de l'illusionniste.

Le temps semble s’écouler terriblement lentement et pourtant si vite, le silence insupportable mais les pensées incapables d’être traduites. Déjà, ils se faufilent dans leur Uber, en route pour le presbytère alors qu’il n’a qu’envie de demander au chauffeur de juste conduire, conduire et s’arrêter seulement lorsque le soleil se lèvera sur la ville lumière. Mais il se tait. Lui qui d’habitude ne rechigne pas à se perdre en mondanité avec des inconnus se contente de laisser sa tempe s’échouer contre l’épaule de son ami, les doigts cherchant les siens dès qu’ils le peuvent, les yeux à nouveau perdus entre l’autoradio et le levier de vitesse.
Au milieu de l’incertitude grandit une évidence qu’il repousse un peu plus loin au fond de lui-même, lui fait ravaler ce qui veut sortir plus par abnégation que par lâcheté. “Tu n’es pas obligé de rentrer chez toi ce soir, Antoine.” Lui peut donner suite à ses instincts; demander d’être muté loin d’ici, refaire sa vie dans une paroisse et ne plus jamais avoir à penser au cabaret. Mais le magicien y a pratiquement élu domicile, en plus d’y travailler…

L’idée qu’il soit confronté à cette colère au quotidien, l’insouciance irrémédiablement caillée par les menaces proférées par les propriétaires.
Il ne sait pas s'il le supporterait.
Il ne veut pas voir l’homme qu’il a connu cet été s’aigrir.

Alors, même si ce n'est que temporaire, il veut ne pas se contenter de se cramponner à sa main mais lui tendre la sienne; laisser la nuit lui porter conseil et lui tenir compagnie le temps que le tumulte ne se tasse.


Antoine Dastre
IRL
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Antoine Dastre
# Mer 5 Juil - 21:13

“Elle était facile”

Ce sont les mots de l’ami, ceux, pudiques, en demi-tons et en amertume, qui taisent tellement plus, bâillonnent l’ébranlement de tout un être, font semblant que tout va bien, que l’on n’a pas été touché .

Antoine sait que c’est faux néanmoins . Il n’a pas besoin de l’oralité pour le comprendre car toutes la détresse du Père passe ailleurs, par son regard qu’il a gardé clos de longues secondes, par les traits de son visage tiré, par son rire en soupir, par sa main qui se serre davantage dans celle de l’Illusionniste .

Elle était facile et destructrice. Lâche. Petite.
A vomir, à détruire.

La litanie tourne encore dans son esprit mais Antoine se tait, se contente du silence, fixe sans réellement les voir les voitures qui défilent devant lui, la cabine des toilettes publiques, le auvent jaune de l’entrée du Goldhotel .
C’est la première fois qu’il les observe ainsi, aussi longuement sans pour autant en avoir rien à faire .
Il regarde en cillant à peine pour éteindre son esprit et sortir de lui-même, mémorise ce paysage dénué de charme pour oublier tout le reste .

Il attend impassible ce Uber qui doit les délivrer, réalise à peine l’arrivée du chauffeur quand celui-ci gare sa Peugeot 508, ouvre la portière pour les héler .
Douze minutes ont passé depuis leur demande de VTC et Antoine et Celestyn s’engouffrent dans l’auto qui sent fort le désodorisant textile et le parfum de synthèse . Un air de rap passe en fond dans la voiture, assez bas pour ne pas être incommodant, assez haut pour habiller d’un peu de vie le silence de l'habitacle.
Personne ne parle. Leur conducteur, depuis qu’il a redémarré, n’a pas essayé d’engager la conversation. Il a dû comprendre en voyant leurs têtes d’enterrement : ces clients ne seront pas du genre causant et, indifférent, il monte légèrement le volume, chante les paroles qui planent sur ses lèvres muettes, s’ambiance seul, les doigts battant le rythme sur le volant .

Dehors, les paysages défilent. On longe le boulevard de Clichy pour prendre l’interminable rue Caulaincourt, traverser le pont bleu pastel surplombant le cimetière de Montmartre et ses multiples caveaux de famille. La voiture file jusqu’aux ruelles pavées de l’ancien village et ralentit, cahote sur le sol irrégulier alors même qu’elle est au pas, forcée à maintenir la seconde autant par les pavés que par les passants encore nombreux, profitant de la dernière heure du jour et de la chaleur retombante du début de soirée .

Autour d’eux, les maisons et les immeubles sont charmants et familiers, parés de cet esprit désuet et nostalgique qui n’existe que dans l’arrière de Montmartre et dont Antoine s’est fait souverain cette dernière année.
Ce sont les rues de son royaume, son Havre de paix qui l’a trahi et abandonné aujourd’hui.
La bohème en l’espace de deux heures s’est volatilisée, la colombe du chapeau pourrissant dans le caniveau.

La tête du prêtre sur son épaule, les doigts enlacés en une communion de deuil , Antoine et Celestyn tiennent le silence car plus rien ne sera jamais pareil.
Ils sont orphelins .

Le Père le perçoit bien et alors que la place du Tertre approche, une phrase vient percer d’entre ses lèvres jusqu’alors closes .

“Tu n’es pas obligé de rentrer chez toi ce soir, Antoine.”

Les mots tirent à l’Illusionniste un demi-sourire et un soupir que le sarcasme vient hanter .
Il ne répond rien, ne décolle pas le regard de la vitre contre laquelle s’appuie son épaule mais ses doigts depuis quelques minutes immobiles viennent de nouveau caresser les phalanges de l’Ami.

Antoine aimerait dire “Merci”.

Merci d’être là et d’affronter toute cette folie à mes côtés.
Merci d’accepter mon mutisme, les mots qui me manquent, la fatigue qui m'abat, la colère qui sourde, gronde en moi .

Merci.

Il ne le prononce pas, n’en trouve pas le courage et la voiture s'arrête devant le portail de l’église . L’illusionniste sort en premier, ouvre la portière opposée à l’ami, l’aide à descendre .
Il règle le chauffeur qui, aussitôt cela fait redémarre et les laisse seul .

Antoine souffle longuement pour la première fois, plonge son regard lasse dans celui épuisé du Père .

“Allons dans le jardin s’il te plait.”

Il veut lui parler. Il veut respirer, être à l’extérieur sur ce banc où ils ont passé tant d'heures à disserter sur ce monde, loin de la claustrophobie que lui insuffle l’idée d’une pièce close.

Celestyn accepte et une main sur le bras de l’ami en appui, se laisse guider jusqu’à la cour privée du presbytère.
Ils s'assoient tous deux, observent le début de crépuscule à leur droite sans qu’aucun n'ose parler .
Il y a tant à dire et personne ne sait par quoi commencer.

Antoine, au bout de quelques minutes néanmoins se lancent .

“ Au vu de ce qu’il s’est passé aujourd’hui, je pense que je vais quitter Paris et retourner à Metz.””

Son rêve ici est terminé . Il n’existe plus sans le Chat Noir et l’insouciance de Montmartre.
Il y aura tout à regretter mais cela est pour le mieux.
De toute les choses, abandonner Celestyn est la plus dure néanmoins . Il ne le peut pas, surtout après tout cela.

“Si tu en as l’envie, j’aimerai que tu partes avec moi.””

C’est une demande égoïste, sûrement impossible mais il doit la formuler.

“S’il y a une seule chose ici que je n’ai pas envie de perdre, c’est le fait de te voir chaque jour. J’aimerai pouvoir continuer de prendre mon café le matin dans ta chambre, aller au cinéma ou au marché, boire des verres ou se balader. ””

Sa présence, la chaleur de sa paume, la démarche claudicante de son pas, la fossette de sa joue, le timbre calme de sa voix et l’éclat de son rire lui manqueront .
Celestyn, après avoir tant habité son quotidien, lui manquera.

Celestyn Rossillon
IRL
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Celestyn Rossillon
# Ven 29 Déc - 20:03
Summer dissolves into my mouth and I can't remember what it tasted like
Leur conversation se passe de mots, la fréquence de leurs émotions parfaitement mariées par le diapason de la cruauté. Quelle ironie de se sentir si proche dès que le sol se dérobe sous leurs pieds, dès que la faiblesse et la rage ne peuvent plus être contenues et qu’ils sont forcés de l’affronter. C’est un réconfort qui lui déchire le coeur et auquel il ne peut que se raccrocher, la main d’Antoine son ancre dans la tempête, comme deux loutres dérivant dans le courant, solidement accrochée -il l’avait vu dans un documentaire, avait oublié de le lui raconter, de s’émerveiller avec lui de la tendresse surprenante de la nature.

Celestyn doit se raccrocher à cette tendresse, retient une seconde à peine les doigts de son ami qui glissent des siens alors qu’il réalise enfin que la voiture s’est arrêtée, qu’il ne cherche qu’à sortir; que l’angoisse irrationnelle qui le prend à la gorge lorsqu’il lâche à contrecoeur sa main n’a pas lieu d’être, mais il semble s’écouler des heures avant que la porte ne s’ouvre de son côté.
Sans Antoine, il ne reste que la peur. Alors il se fiche bien de ce à quoi ils peuvent ressembler, vient enrouler son bras dans le creux du sien pour se blottir plus près qu’il n’en aurait besoin pour ne pas flancher. Il adresse tout juste un regard au chauffeur, voudrait lui sourire mais ses lèvres ne font que se presser entre elles, et il est déjà parti.
Il ne reste qu’eux.
Même au milieu des matinaux, il ne reste qu’eux.

Le soupir à ses côtés libère le souffle prisonnier de sa gorge nouée, le soulagement transparent dans ses yeux fatigués lorsqu’ils croisent ceux de l'illusionniste. Il acquiesce sans un mot, se laisse guider, trop las pour penser. Son esprit nage dans l’étourdissement que trop familier, le murmure familier de sa maladie. Dieu sait dans quel état il se réveillerait; il ne sait s’il aura la force de Le défier en s’obstinant à fuir les bras de Morphée. Peut-être devrait-il simplement s’y abandonner, capituler et prier pour que le pire lui soit épargné, s’Il avait ne serait qu’encore une once de pitié pour ses ouailles.

Cela faisait depuis longtemps qu’il n’avait pas senti sa bonne volonté pour le Créateur vaciller, l’envie de s’insurger face à cet acharnement.

La déclaration met fin à cette conversation à sens unique avant qu’elle ne s’envenime. Elle devrait apaiser ses inquiétudes, mais la finalité de ses mots resserre l'étau autour de son cœur. C’est fini. Un chapitre qui se termine pour s’ouvrir sur un autre; c’est ce qu’il aimerait dire en souriant, voir tout cela comme une opportunité de renouveau, une autre épreuve à surmonter ou que sais-je, insuffler un soupçon d’espoir à son ami, mais il sent le chagrin à l’orée de sa bouche pincée, prêt à éclater.

J’aimerais tellement venir avec toi,
murmure ses pensées en chœur avec l'illusionniste,
le laissant interdit.

C’est puéril comme demande, un souhait enfantin, certainement il ne peut pas avoir dit cela; mais Antoine renchérit, s’épanche là où il n’avait pas même besoin, comme s’il existait une vie dans laquelle il serait nécessaire de le convaincre. La pudeur le rattrape, cherche à cacher son visage lorsque ce qu’il avait pressenti se précipite à peine ses lèvres s’entre-ouvrent-t-elles; il craint que ce soit bien plus que le cumul des émotions de cette soirée infernale qui s’échappe, mais tout ce qu’il a repoussé au fin fond de son âme, ce qu’il n’a jamais pu confesser ni confier. Le soulagement qu’Antoine ait eu le courage qui lui a toujours manqué, car s’il ne le lui avait pas demandé, certainement, certainement l’aurait-il lui aussi laissé partir, en bon prince, en sale lâche. Le déluge l’empêche de tenter de le raisonner, de se saboter; sans doute n’a-t-il pas considérer les implications de cette demande, qu’il ne réalise pas que son déclin est inéluctable, qu’un jour tous ces petits plaisirs le lui seront arrachés, qu’il vaut peut-être mieux que cela se finisse proprement.

Mais il n’y a pas de beau souvenir à garder de cette soirée, alors il acquiesce en tentant tant bien que mal de reprendre son calme, se surprend à sourire, la frontière entre rire et sanglot aussi brouillée que le jardin à travers ses larmes.

“Moi aussi.” coasse-t-il piteusement, le dos de la main derrière laquelle il tentait de se cacher essayant d’essuyer ses joues humides. “Metz, n’importe où, je m’en contrefout-” Sa propre grossièreté lui fait souffler du nez, paroles crues sans élégance. Les mots en cachent d'autres qu’il ne veut pas dire tout haut: l’expliciter serait le lier ce moment à  jamais aux Delahaye. Non, c’est bien mieux de s’en tenir à celà, de renifler et d’essuyer le coin rougi de ses yeux fatigués et d’attendre que la nuit soit réellement achevée.
Déjà, l’aube a levé le manteau oppressant de l’obscurité, bien que sa main  tressaute encore dans celle du magicien, retrouvée, étroitement serrée. “Les détails, ça attendra, je demanderais…” Il s’interrompt, se laisse tomber contre le dossier du banc familier pour contempler le presbytère, tout ce que ces murs représentes, humectant distraitement ses lèvres. “Je… Je ne sais même pas si je veux continuer.” Personne ne le sait mieux qu’Antoine, le seul à qui il a osé intimer ses doutes, les manifester. Peut-être faut-il profiter d’être déraciné pour enfin se libérer, battre le fer tant qu’il est chaud, mais pour quoi faire ? Qui sait. “Je trouverais bien quelque chose, tant que tu es à mes côtés…” Ça réchauffe mielleusement le cœur de le dire tout haut, le gênerait bien plus que ça s’il ne sentait pas le poid de la fatigue en haussant les épaules, gardant le reste de sa phrase en suspens dans l’air.

Rire, pleurer, s'énerver contre les aléas de la vie, même le plus pénible ne semble plus aussi insurmontable à ses côtés.

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